Pour fêter le centenaire d’Henri Michaux (1899-1986), la Bibliothèque nationale de France embrasse, dans une exposition conséquente, la totalité du travail d’un poète connu pour sa peinture, et vice versa. En parallèle, les galeries Berthet-Aittouarès et Marwan Hoss reviennent sur les encres et les peintures de l’auteur de L’Espace du dedans.
PARIS. “Étrange décongestion, mise en sommeil d’une partie de soi, la parlante, l’écrivante (partie, non, système de connexion plutôt). On change de gare de triage, quand on se met à peindre”, notait Henri Michaux dans Qui il est, tentative d’autobiographie distanciée. L’histoire semble lui donner raison : station écrivain ou station peintre, l’homme est régulièrement loué d’un côté ou de l’autre de la barrière. Mais pour le centenaire de sa naissance, la Bibliothèque nationale de France et le Musée national d’art moderne proposent une exposition portant sur l’œuvre dans sa totalité, avec 350 pièces, livres et tableaux confondus. Brassage des pratiques littéraires et picturales, “Peindre, composer, écrire” joue sagement la carte de la chronologie pour rendre compte d’une mixité entreprise dès les années vingt. Écriture et peinture sont liées intimement dans l’Alphabet de 1927, et une énigmatique feuille cabalistique, titrée Narration, montre le signe sans le signifié. Tout au long des huit sections structurant un parcours dans plus d’un demi-siècle de recherche, la tentation d’un regard aiguillé par la lecture est omniprésente. Mais tableaux et livres cohabitent sans nécessairement agir les uns sur les autres.
Une peinture calligraphiée
Ouvrages fragiles – tel Poésie pour pouvoir (1949) et sa couverture en bois truffée de clous –, aquarelles et encres de Chine de la fin des années quarante : l’exposition se déroule au gré d’une œuvre étonnamment violente et douloureuse, sentiment favorisé par l’usage aigu de la plume. Plus tard, dans les peintures au pinceau de la fin des années cinquante, l’encre unit les contraires comme dans la calligraphie chinoise, oscillant entre batailles et chorégraphies. Les amateurs de “dessins cinématiques” retrouveront d’ailleurs une trentaine d’encres, inédites, à la galerie Berthet-Aittouarès. De son côté, la galerie Marwan Hoss propose une quarantaine de tableaux de 1967 à 1983, illustrant la diversité des techniques employées, de l’huile à l’acrylique.
Diversité et convergence
Parfois texte et dessin convergent dans une démarche quasi scientifique, comme entre 1956 et 1966, période intitulée “Les épreuves de l’esprit” dans l’exposition de la Bibliothèque nationale : “Les drogues nous ennuient avec leur paradis. Qu’elles nous donnent plutôt un peu de savoir. Nous ne sommes pas un siècle à paradis”, estime alors impunément Michaux dans Connaissance par les gouffres. Relevés sismographiques des vertiges produits par les psychotropes et narration au rythme soutenu se font alors écho : “[...] images intérieures, aussi accentuées qu’accélérées, sont violentes, vrillantes, ténébrantes, insupportables...”, écrit-il dans Vitesse et tempo. Soutenu par un catalogue somme, l’exposition montre l’entêtement d’Henri Michaux, jusqu’au dernier souffle, à créer “[...] pour pilonner, pour accélérer, pour précipiter, pour jeter à bas, pour quitter le chantier, pour rire dans le brasier.” Bref, pour avancer.
- PEINDRE, COMPOSER, ÉCRIRE, jusqu’au 31 décembre, Bibliothèque nationale de France, site Richelieu, galerie Mazarine, 58 rue de Richelieu, 75002 Paris, tél. 01 47 03 81 26, tlj sauf lundi et jf 10h-19h. Catalogue, BnF/Gallimard, 240 p., 350 F, ISBN 2-07-011634-4. - HISTOIRES D’ENCRE, jusqu’au 13 novembre, galerie Berthet-Aittouarès, 29 rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 43 26 53 09, tlj sauf dimanche et lundi 11h-13h et 14h30-19h. Catalogue, 53 p., 120 F. ISBN 2-951-45-130-X. - PEINTURES, jusqu’au 17 décembre, galerie Marwan Hoss, 12 rue d’Alger, 75001 Paris, tél. 01 42 96 37 96, tlj sauf dimanche 9h30-12h30 et 14h-18h30, samedi 10h-12h30 et 14h-18h. Catalogue, 48 p., 100 F.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Henri Michaux, homme à tout faire
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°91 du 22 octobre 1999, avec le titre suivant : Henri Michaux, homme à tout faire