Été 2010, Henri Landier voit par hasard inscrit sur le monument aux morts du village provençal de Fuveau, situé au pied de la Sainte-Victoire célébrée par Cézanne, le nom de Barthélemy répété onze fois, suivi de onze prénoms différents.
Il se renseigne. Tous les fils d’une même famille ont été tués pendant la Grande Guerre. À ces inconnus, l’artiste donne un visage et les réintègre dans l’Histoire. Leurs onze portraits accueillent le visiteur. Ayant en mémoire les terribles récits de son ami écrivain Pierre Mac Orlan – dont il exécuta plusieurs portraits – blessé en 1916 et auteur de L’Indicible Guerre, Landier exécute nombre de fusains et d’huiles restituant la violence des batailles de la Somme, de la Marne, d’Ypres et de Verdun où les Barthélemy sont tombés. Le peintre joue avec les couleurs rouge garance des pantalons et bleu horizon des capotes, vives et posées en aplats. Il multiplie les hachures pour donner du volume aux corps et courbe les dos pour évoquer les soldats montant à l’assaut. L’absence voulue de perspectives déroule les scènes sur un seul plan, invitant le regard à les vivre dans l’instant de leur action. Henri Landier, « peintre voyageur et humaniste », aborde pour la première fois ce thème. Il témoigne avec ces corps accrochés aux arbres et les croix de bois posées sur les cadavres de la cruauté du conflit. Contrepoints originaux au parcours des collections permanentes, par leur luminosité et le ton allégorique de certaines d’entre elles, ces toiles atténuent la tragédie de la guerre.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°738 du 1 novembre 2020, avec le titre suivant : Henri Landier sublime la guerre