Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie

"Haute-couture" nuptiale de Tunisie

Costumes de mariage entre art et ethnologie

Le Journal des Arts

Le 1 mai 1995 - 545 mots

Dans le cadre de la Saison tunisienne, le Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie (MAAO) présente, pour la première fois à Paris, plus de deux cents pièces de parures nuptiales grâce aux prêts du Musée de l’Homme de Paris et du Musée des arts et traditions populaires de Tunis. Montrés aujourd’hui comme des œuvres d’art, alors qu’ils sont encore portés par la jeune mariée richement parée telle une \"idole\", ces vêtements précieux réconcilient l’art et l’anthropologie, et inaugurent les futures collaborations des deux musées parisiens, qui s’étaient jusqu’ici ignorés.

PARIS - Exposées comme "des tableaux picturaux", les tuniques brodées en satin, les étoffes de velours ou les coiffes en soie évitent soigneusement l’écueil du folklore. En privilégiant un aspect du vêtement féminin, tels la pureté d’un graphisme, le jeu d’un drapé ou l’éclat d’une broderie, l’exposition du MAAO tente de modifier le regard qu’on porte habituellement sur des œuvres souvent classées "ethnographiques".

Ces luxueux costumes, qui font partie du trousseau de la femme tunisienne, sont portés pendant le rituel extrêmement codifié du mariage qui dure plusieurs jours. Après diverses préparations initiatiques, la fiancée apparaît plusieurs fois vêtue d’une tunique et d’un voile brodé d’or et d’argent. Sa tenue varie et change au cours des différentes présentations. Parée de bijoux, à l’image d’une "idole" sublime et presque divine, la jeune mariée se dévoile enfin à l’issue de la monstrance appelée jelwa.

Fête encore très importante dans tout le Maghreb, événement fédérateur dans les villages, le mariage donne aux deux familles l’occasion d’exhiber leurs richesses. C’est également l’un des rares moments dans la société tunisienne où se perpétuent des traditions qui remontent à l’Antiquité, notamment les techniques de confection du costume féminin même si, aujourd’hui, l’art de ces vêtements somptueux et techniquement complexes est en voie de disparition.

Broderies et drapés antiques
La scénographie contribue à créer, grâce à la variété des supports (lutrins, marottes, mannequins...), différents niveaux de lecture. Elle met ainsi en scène tous les aspects tactiles, contextuels ou esthétiques du vêtement nuptial, et joue sur la somptuosité des textiles, la richesse d’un gilet de velours, la finesse d’un voile de soie ou bien le drapé antique d’une tunique en lin.

Drapés-robes à paillettes, tuniques-chemises en soie, gilets multicolores, autant de formes qui révèlent de nombreuses influences : grecque et romaine pour les tuniques, turque pour les gilets brodés apparus au XVIIIe siècle. Même le décor puise dans le répertoire ancestral, berbère ou andalou suivant les régions. Les thèmes floraux d’inspiration islamique ou symbolique (main et poisson) se retrouvent également sur les bijoux fastueux offerts comme cadeaux de mariage.

Les deux grands musées "d’art primitif" de Paris (le MAAO et le Musée de l’Homme) n’ont jamais véritablement collaboré. Leur rapprochement est donc devenu "nécessaire et urgent", souligne Jean Lambert, l’un des co-commissaires de l’exposition. Car si, pour l’un, le parti pris de l’art est clairement énoncé, pour l’autre la tradition de l’anthropologie esthétique dans la "lignée d’un Michel Leiris", n’est plus actuellement suivie.

"Noces tissées, Noces brodées. Costumes et parures féminins de Tunisie", jusqu’au 29 juillet 1995, Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie, 293 avenue Daumesnil, 75012 Paris. Ouvert tous les jours sauf le mardi de 10h à 17h30. Colloque, catalogue, 106 ill. couleurs, 20 ill. NB, 140 p, 260 F, Éditions Joël Cuenot.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°14 du 1 mai 1995, avec le titre suivant : "Haute-couture" nuptiale de Tunisie

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