États-Unis - Musée

Directeur du Museum of Modern Art, New York

Glenn Lowry : « Nous allons accroître l’espace dévolu à nos collections »

Par Jason Edward Kaufman · Le Journal des Arts

Le 1 décembre 2006 - 954 mots

Le bâtiment du Centre Lewis B. et Dorothy Cullman pour l’éducation et la recherche du Museum of Modern Art (MoMA) de New York devait être inauguré le 28 novembre, marquant ainsi la fin des 850 millions de dollars de travaux engagés dans l’expansion et la rénovation de ce musée depuis six ans. Ce nouvel édifice de huit étages et de 5 800 m2, conçu comme le reste du programme par l’architecte Yoshio Taniguchi, abrite les plus riches et les plus vastes collections documentaires en art moderne et contemporain au monde.

Depuis la réouverture de ses salles principales en novembre 2004, le nouveau MoMA a fait la preuve de sa popularité en attirant 2,7 millions de visiteurs annuellement malgré un prix d’entrée fixé à 20 dollars (16 euros). Mais la « mutation entrepreneuriale » du musée sous la direction de Glenn Lowry a fait l’objet de nombreuses critiques dans la presse. Le directeur répond à nos questions.

Selon les critiques, il y aurait eu une « mutation entrepreneuriale du MoMA » sous votre direction, avec une structure de management plus verticale diminuant l’indépendance des conservateurs.
Je le démens, sauf à comprendre par « entrepreneuriale » une institution travaillant au-delà des frontières, et non plus en une succession de vases clos. À mon arrivée, chaque département de conservation était autonome. Mon effort a été de créer un environnement développant le sens de la collégialité entre les départements. Quant à la direction verticale, il me semble étonnant qu’on puisse soutenir qu’un directeur de musée ne doive pas se soucier d’œuvres d’art, ni discuter des collections et des expositions.
 
Mais c’est vous qui dirigez. Si vous dévoilez votre désir d’acquérir un tableau, le conservateur concerné se sentira tenu de vous emboîter le pas.
C’est absurde. Les acquisitions sont décidées en dernier ressort par les administrateurs et les commissions d’achats. Déclencher des discussions m’intéresse, mais si au bout de la journée un conservateur estime qu’une œuvre qui m’intéresse n’est pas centrale dans son programme tel qu’il entend le développer, c’est son avis qui l’emporte. Les conservateurs de cette institution sont suffisamment forts pour me manifester leurs désaccords, et cela ne me pose aucun problème.

Le MoMA a acheté un terrain juste à la limite ouest du musée. Que comptez-vous en faire ?
Nous possédons, désormais, un terrain à bâtir de 1 600 m2, ainsi que la possibilité d’agrandir substantiellement nos espaces. Nous allons réfléchir à l’usage que nous en ferons, soit créer, comme nous l’avons fait dans les années 1970, un bâtiment à usage mixte où le musée garderait quelques salles d’exposition en vendant le reste à un promoteur, soit envisager d’autres solutions. Nous allons à l’évidence nous attacher à augmenter plutôt l’espace disponible pour les collections permanentes, que celui réservé aux expositions temporaires. Je crois que le musée va vouloir augmenter substantiellement l’espace dévolu à nos collections permanentes, de peintures et de sculptures surtout, en raison de leur caractère extraordinaire.

La Tate, le Centre Pompidou, le Louvre, le Guggenheim et l’Ermitage sont tous en train de développer ou de créer des succursales. Le MoMA doit-il aussi à se développer de la sorte ?
La Tate et le Centre Pompidou sont tous deux des institutions d’État, avec une politique et une stratégie s’alignant sur des préoccupations politiques plus vastes. Nous sommes une institution entièrement privée. Nous pouvons nous concentrer sur les œuvres, la façon de les montrer et les expositions susceptibles de fonctionner. J’admire ce que sont en train de faire la Tate et le Centre Pompidou, et ce qu’ont fait l’Ermitage et le Louvre. Cela ne signifie pas que nous devions les imiter.

Quelle est votre stratégie internationale ?
Nous avons une ambition unique, celle d’être le meilleur musée d’art moderne, ici, à New York… Il est déjà suffisamment difficile de mener à bien cette belle tâche dans une seule ville. Il est mathématiquement plus complexe de tenter de le faire en plusieurs autres lieux. Ce qui rend uniques les grands musées, ce sont les œuvres, qui ne peuvent être en plusieurs endroits à la fois.

Où en est-on du conseil que fournit le MoMA au Mori Art Museum à Tokyo ?
Le Mori Art Museum nous a accordé un soutien financier sur une durée déterminée [10 millions de dollars (7,8 millions d’euros) sur 15 ans, selon nos informations] en échange des conseils que nous lui donnons pour la création de son musée. Notre rôle a consisté à fournir une assistance professionnelle et des conseils, mais surtout à préparer son équipe à gérer le musée. Je trouve que c’est une solution plus efficace que de s’engager dans la gestion à grande échelle de musées. Si, à une autre occasion se présentait un projet comparable à celui du Mori, où nous nous sentirions à l’aise avec nos partenaires potentiels, et où nous penserions pouvoir jouer un rôle bénéfique, alors nous l’étudierions. Mais ce n’est pas une activité centrale dans aucun de nos projets, ni une activité que nous cherchons à développer, et il n’y a rien de tel dans nos cartons.

Quel impact a eu l’expansion du musée sur vos finances ?
Nous avons décidé d’émettre durant les travaux, 300 millions de bons exonérés d’impôts qui seront remboursés à l’issue de la campagne de levée de capitaux. Nous avons réussi à équilibrer notre budget pendant dix ans [le budget de fonctionnement du musée est d’environ 150 millions de dollars]. Notre dotation est passée d’environ 225 millions à mon arrivée [en 1995] à environ 650 millions aujourd’hui. Nous nous portons donc très bien. Nous sommes, certes, endettés, mais avec un programme et des moyens pour financer la dette et réduire son montant total. Notre prochain objectif est d’augmenter notre dotation. Ce sera l’ambition des cinq ou dix prochaines années.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°248 du 1 décembre 2006, avec le titre suivant : Glenn Lowry, directeur du Museum of Modern Art, New York

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