Gladiator, la suite

Les jeux dans la Rome antique au British Museum

Le Journal des Arts

Le 3 novembre 2000 - 883 mots

Après le succès du film Gladiator, l’exposition « Gladiateurs et Césars : le pouvoir du spectacle dans la Rome antique » arrive à point nommé pour raconter l’histoire du divertissement de masse dans le monde romain. Au-delà de l’évocation des combats de gladiateurs, exécutions de criminels, chasses, courses de chars ou combats de boxe, les 200 objets rassemblés au British Museum insistent sur leur place dans la vie sociale et dans le système de pouvoir.

LONDRES (de notre correspondante) - “Il est bien évident que le film a suscité l’intérêt du public pour les combats de gladiateurs”, commente Ralph Jackson, conservateur au British Museum et commissaire de l’exposition. Mais la réalité des jeux est bien plus complexe et bien plus intéressante que ne le suggère Hollywood. “Vraisemblablement, les combats de gladiateurs s’inspirent des rites funéraires étrusques ou samnites au cours desquels les guerriers combattaient à mort afin de faire acte de bravoure en l’honneur du défunt”, explique-t-il. À l’époque romaine, ces duels mortels deviennent l’expression d’un certain statut familial et le nombre de combattants s’accroît jusqu’à ce que cette pratique se transforme en divertissement public, dûment contrôlé par le pouvoir. Durant plus de cinq siècles et dans tout l’Empire romain, l’élite utilise les jeux pour contrôler les masses. Les fêtes comptaient presque pour la moitié des jours de l’année, mais les combats de gladiateurs n’étaient pas quotidiens. Les combattants étaient, pour la plupart, des esclaves ou des prisonniers de guerre, même si le nombre de volontaires n’était pas négligeable. “Ils devaient renoncer à leur liberté, mais, pour les pauvres, la vie de gladiateur promettait des sensations fortes, des richesses possibles et l’adulation du public.” Les gladiateurs étaient payés pour chaque combat et, s’ils survivaient assez longtemps, ils pouvaient accumuler une importante fortune personnelle et demander leur liberté. Certains d’entre eux sont devenus de véritables célébrités capables de drainer les foules.

Dès le Ier siècle, les spectacles proposés dans les arènes ont été normalisés. Le matin, une procession rituelle présentant des animaux exotiques venus des contrées les plus reculées de l’Empire – éléphants, tigres, chameaux, ours, autruches – était suivie de séances de chasse et de combats d’animaux : il n’était pas rare, par exemple, de voir un ours enchaîné à un taureau ou un lion à un éléphant, pour un effet de violence inouïe des plus réussis. À midi, l’exécution des hommes reconnus coupables de crimes capitaux, tels la trahison, le meurtre, l’incendie criminel ou le sacrilège, donnait lieu à des démonstrations de violence : les condamnés mourraient par le feu, crucifiés ou déchiquetés par des animaux sauvages. Enfin, l’après-midi, les gladiateurs faisaient leur entrée en scène. Ils commençaient par s’affronter en duel au cours de combats ne durant pas plus de vingt minutes, au terme desquels l’un des deux s’évanouissait des suites de ses blessures ou tombait d’épuisement. L’organisateur des jeux, ou l’empereur en personne, décidait du sort du gladiateur vaincu. Mais il n’était pas rare que les volontés de la foule, qui demandait souvent la clémence, soient écoutées.

Des Grecs trop gentils
“Même si leur statut restait modeste, on admirait les gladiateurs pour leur courage, leur loyauté et leur discipline – vertus très prisées dans la société romaine, explique Ralph Jackson. Il est intéressant de constater que les Romains trouvaient les Grecs trop gentils car au lieu d’entraîner leurs hommes à l’art de la guerre, ils en faisaient des athlètes.” Les jeux étaient, du début à la fin, une expression théâtrale de la puissance de Rome, des vertus qui firent sa grandeur, mais aussi des châtiments atroces réservés à ceux qui l’avaient trahie.

Les auriges étaient eux aussi admirés pour leur bravoure, leur courage et leur technique. Ils étaient même davantage adulés que les gladiateurs et bénéficiaient d’un statut plus élevé. “L’ampleur des courses de chars – le Circus Maximus de Rome pouvait accueillir 200 000 personnes, contre 50 000 pour le Colisée – laisse penser qu’une journée au cirque était plus prisée encore qu’une journée aux arènes, ajoute le commissaire. Les courses de chars constituaient un spectacle captivant puisque les quatre équipes – les Rouges, les Blancs, les Bleus et les Verts – faisaient sept tours de piste montés sur leurs chars légers et rapides, tirés par quatre chevaux.” Et, à l’instar des combats de gladiateurs, la course de char était une affaire dangereuse. De nombreux coureurs mouraient jeunes, “mais certains survivaient assez longtemps pour courir des milliers de courses et gagner des fortunes grâce aux prix qu’ils remportaient”.

L’exposition, d’abord présentée à Hambourg, a recouru à des emprunts dans plus de vingt musées pour nous présenter quelque 200 objets, notamment une armure de gladiateur, des reliefs funéraires, des maquettes, des figurines et des bustes impériaux, des frises en pierre sculptée et des reliefs moulés en terre cuite. Celle du British Museum propose 50 % de pièces supplémentaires, provenant de la riche collection du musée, notamment de nombreux objets relatifs aux combats de gladiateurs. Grâce à des simulations informatiques, permettant de recréer le décor des arènes, et à la projection des célèbres courses de chars de Ben Hur, l’exposition espère nous transmettre un peu de l’excitation régnant à l’occasion des jeux.

- Gladiateurs et CÉsars : Le pouvoir du spectacle dans la Rome antique, jusqu’au 21 janvier, British Museum, Londres, tél. 44 207 636 15 55, tlj 10h-17h, dimanche 12h-18h, www.thebritishmuseum.ac.uk.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°114 du 3 novembre 2000, avec le titre suivant : Gladiator, la suite

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