Giorgio Morandi, trois fois poète

Verre, terre, métal, vernis ou brute, la matière structure son œuvre, elle est sa consistance première. Morandi est aussi le poète de la forme. Il l’ennoblit, la stylise, l’impose au regard en peignant des pots, des coupes, des bouteilles. Pour arriver à ces instants suspendus, il reste enfin à donner la vie aux ustensiles domestiques. Les gammes de gris, les nuances d’ocre, de brun, de blanc s’en chargent. Morandi se fait alors le poète de la couleur. La soixantaine de tableaux qui retracent quarante années de sa carrière manifeste ainsi cette triple alliance qui assure à la fois l’unité de sa vision et la diversité de sa manière. S’il s’inspire du Greco, de Crespi, de Zurbaran et de Chardin, dont on voit des œuvres mises en écho, au demeurant pas toutes probantes, cela reste au niveau des détails. Morandi suit en effet son propre chemin et crée un lyrisme qui n’appartient qu’à lui. Les fonds neutres, le respect sur la toile de l’échelle des objets, la taille limitée des formats entretiennent l’éloquence de cette poésie renouvelée, car le talent de Morandi est de ne jamais se répéter sans cesser de reprendre la même rythmique. Il lui suffit d’à peine modifier la lumière et la disposition de ses acteurs muets. L’écrivain italien Leopardi estimait que « l’excellence adopte les manières simples qui passent souvent pour un signe de médiocrité ». Des mots que cette exposition confirme.