Gérard Schlosser

Ce que l’on voit au premier regard sur ses toiles fait toujours référence à des repères identifiables d’une grande banalité apparente. Des touffes d’herbe, un espace de peau, un fragment de paysage, une cuisse de femme, une main, des chaussures à talon, une chevelure ou une veste de velours côtelé cohabitent en toute liberté sur de grands formats souvent carrés.

Tout est peint avec beaucoup de précision, une précision qui pourrait même faire penser à de l’hyperréalisme. Mais très vite l’on voit que la partie se joue ailleurs, bien loin d’un réalisme primaire. Chaque œuvre est au contraire pensée pour amener le spectateur à se défaire de tout système de référence ordinaire. Les titres des œuvres, totalement décalés, le confirment. Ils renvoient toujours à un ailleurs non représenté sur la toile, accentuant ainsi la distance entre le visible et un sens possible. Il apparaît rapidement que rien de ce qui est montré ne participe du monde traditionnel. L’artiste donne à voir et à penser autrement. Il délègue au spectateur le pouvoir de réinventer avec sensualité un visible improbable et pourtant fortement présent.

Chaque peinture, réalisée avec beaucoup de métier et de soin, existe également par sa matière picturale. Depuis 1967, Gerard Schlosser utilise une technique bien particulière : il prépare ses toiles en les encollant avec du sable. Il aime expliquer avec passion comment cela lui permet de réaliser des modelés beaucoup plus sensibles. Cette technique du sablage confère également aux surfaces colorées une vibration très particulière, chaque petit grain apportant la profondeur de ses minuscules ombres portées. Une exposition de cette qualité pourrait avoir vocation à dépasser les limites régionales. Encore faudrait-il que les municipalités de Sens et de Dole prennent conscience de la portée nationale de cette exposition en débloquant des moyens financiers capables de la faire rayonner…