Le Nouveau Festival du Centre Pompidou renforce sa programmation et se penche
cette année sur la question du jeu pour inaugurer une formule plus longue.
PARIS - Le Centre Pompidou, à Paris, a pris des allures de terrain de jeu. Partout dans la Galerie sud se déploient des œuvres en référence à l’acte de jouer, mais également aux objets eux-mêmes, le dé notamment, avec d’évidents sauts dans le temps. Sous le titre générique « Air de jeu », la sixième édition du « Nouveau festival du Centre Pompidou », mise en œuvre par Michel Gauthier, laisse se dérouler un passionnant parcours qui fait la part belle à la fois à la contemplation et à l’action ; une distinction qui n’est pas toujours opérée en fonction de contingences chronologiques. L’une des formidables sections de l’exposition consistant en effet en une belle série de jeux Fluxus auxquels peut s’adonner le public avec bonheur, entre jeu d’échecs de Takako Saito dont les pièces sont des épices devant être identifiées par leur odeur, jeu de cartes de Robert Filliou dont la valeur est mentionnée au dos de chacune et auquel il faut s’adonner les yeux bandés et autres savoureuses drôleries des deux George, Maciunas et Brecht.
Le thème du jeu engendre donc lui-même une forme d’animation, d’autant qu’il est traité avec des perspectives suffisamment différentes et complémentaires pour être en mesure d’attirer l’attention de publics divers. Autour d’une structure centrale conçue par Anna Barham sur laquelle trois fois par semaine interviennent des artistes afin de présenter leur travail, se dévoilent au public plusieurs angles précis et très focalisés. Ainsi une actualité des formes ludiques, comme avec ce film de Boris Achour au titre faussement programmatique, Des jeux dont j’ignore les règles (2014) ; ou celui de Julien Prévieux traquant les logiciels de jeux vidéos qui déraillent et les parties qui dérapent ; ou à l’inverse des œuvres ouvrant une profondeur de champ plus historique, s’agissant de Fluxus donc, mais aussi de quelques pièces d’Alighiero Boetti ou d’une Bataille navale de Claude Rutault dessinée sur le mur, imaginée en 1985.
Plus d’artistes, plus longtemps
L’une des grandes nouveautés de cette édition 2015 est qu’auparavant concentrée sur trois petites semaines, la manifestation s’étale désormais sur trois mois. « Trois semaines c’était trop court et le public ratait beaucoup de choses, relève Michel Gauthier. Nous avons donc décidé de faire un essai sur une durée plus longue, mais il fallait pour cela renforcer la composante exposition du festival car il n’est pas possible de faire défiler autant d’intervenants sur trois mois que sur trois semaines. » Ce sont cette année quelque quatre-vingts événements qui ont été programmés afin d’alimenter la machine, entre performances, rencontres, conférences et autres interventions.
D’autres espaces du Centre Pompidou ont été investis. Dans le Forum c’est le magnifique Ping-Pong Club de Julius Koller qui a été réactivé : une proposition de 1970 déroutante par rapport à l’art officiel, mais suffisamment non subversive en apparence pour qu’elle soit tolérée, à une époque de normalisation stalinienne de la société tchécoslovaque. Ce travail est réactivé par Rirkrit Tiravanija, manière d’insister sur une forme d’antériorité de l’art relationnel.
Dans l’Espace 315, qui s’intéresse au format du stand-up et à la télévision, s’impose tout au fond une batterie de moniteurs rediffusant le programme culte de la télé américaine Saturday Night Live lancé en 1975, aux sketches décalés et hilarants. Les amateurs du genre pourraient y passer une journée entière !
Michel Gauthier a travaillé longuement avec l’écrivain et critique d’art Cyril Jarton, qui a assuré le co-commissariat de l’exposition de la Galerie sud sur cette thématique du jeu. Il avait en tête le projet d’une bien plus ample exposition dotée d’une perspective plus classique et historique, avant que ne lui soit demandé d’adapter l’exposition à la nature du Nouveau festival ; ce qui a nécessairement conduit à en réduire tant le format que l’ambition. Outre que ce déroutage du projet initial explique sans doute que sa transposition apparaît parfois un peu raide dans son articulation, il est permis de se demander si des questions d’ordre budgétaire ne sont pas de fait à l’origine de ce changement d’envergure ? Sans doute a-t-il été là définitivement perdu l’opportunité d’une belle proposition.
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 20 juillet, Centre Pompidou, 75004 Paris, tél. 01 44 78 12 33, www.centrepompidou.fr, tlj sauf mardi 11h-21h, entrée 14 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°436 du 22 mai 2015, avec le titre suivant : Faites vos jeux !