Belgique - Art contemporain

Face à l’animal

Par Gilles Bechet, correspondant en Belgique · Le Journal des Arts

Le 3 juillet 2024 - 509 mots

Avec les œuvres d’une trentaine d’artistes et collectifs, Anvers repense notre relation aux animaux et l’imaginaire culturel qui la sous-tend.

Anvers (Belgique). Les animaux partagent la vie des hommes depuis l’aube de l’humanité, stimulant les premières expressions artistiques. Après quelques millénaires de cohabitation, le regard et les interrogations sur le règne animal ont changé. La question du droit des animaux est devenue pour beaucoup essentielle. L’exposition du Muhka, le musée d’art contemporain d’Anvers, explore cette cohabitation avec empathie et bienveillance. Le titre en est emprunté à un ouvrage de l’écrivain sud-africain J. M. Coetzee : The Life of Animals (1999, non traduit en français), qui brouille la frontière entre essai et roman. Le personnage principal, l’écrivaine Elizabeth Costello, présente dans d’autres titres de l’auteur, y développe un dialogue philosophique sur les droits des animaux.

Le travail de l’artiste germano-irakienne Lin May Saeed occupe toute la première salle. Cette militante de la cause animale présente un ensemble de dessins, sculptures et installations qui abordent les thèmes de la domestication, de la cohabitation et de la libération des animaux, mais aussi du changement climatique. Dans ses dessins en fer forgé comme dans ses bas-reliefs ou ses sculptures en polystyrène, elle développe une iconographie originale, sarcastique et engagée, où l’Orient rencontre l’Occident.

Animalité, exploitation, érotisme

Waiting for the Time to Pass, une vidéo de Janis Rafa réalisée en 2020, est une glaçante métaphore de la condition animale avec un dogue enfermé dans une voiture qui halète et gémit en attendant son hypothétique libération.

Spécialiste de la performance et des arts performatifs, la commissaire Joanna Zielinska a inclus dans sa sélection plusieurs artistes pratiquant la performance à l’exemple de Rebecca Horn ou d’Antonia Baehr. La plus intéressante est la danseuse et chorégraphe italienne Simone Forti, qui a observé et dessiné les animaux enfermés dans les zoos, dont les grizzlys du zoo de Central Park à New York, pour décoder leurs rituels.

Comme un coup de couteau dans la chair animale, les brutales gravures de la Britannique Sue Coe remuent là où ça fait mal, dans le sang des abattoirs, des animaux objectifiés, et dans l’exploitation de l’homme par l’homme. Mais la cohabitation peut se faire plus douce, comme en témoignent les tendres sculptures que Dafna Maimon réalise avec les poils perdus de ses chats ou dans la vidéo des baisers félins de Carolee Schneemann. Tandis que dans son installation in situCrocodile Dandy, l’artiste portugais Luís Lázaro Matos imagine une cohabitation érotique, ludique et fantasmée de l’humain et du crocodile.

Les Amours de la pieuvre (1967), un fascinant film documentaire de Jean Painlevé, fait des visiteurs des voyeurs devant un étrange ballet d’étreintes tentaculaires et de mouvements glissés d’une grande beauté plastique.

La dernière salle joue de l’installation sonore pour expérimenter une cohabitation utopique entre les humains et les animaux. Des rats qui rient, des chants d’oiseaux, des crissements d’insectes se mêlent aux compositions de Charlemagne Palestine et de Simone Forti. Malgré un concept très large et un peu flou, on sort de cette exposition un peu moins humain et un peu plus animal.

La vie des animaux,
jusqu’au 22 septembre, Muhka, Leuwenstraat 32, Anvers.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°637 du 5 juillet 2024, avec le titre suivant : Face à l’animal

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