ORLEANS
Après des décennies de confinement culturel, des artistes plasticiens, des architectes, des musiciens et des poètes espagnols se retrouvent en 1968 au Centre de calcul qui vient de s’ouvrir après l’arrivée du premier ordinateur, offert par IBM, au sein de l’université de Madrid.
Le Centre de calcul s’impose rapidement comme un espace innovant de recherche et de création. « L’intégration de l’ordinateur dans les processus créatifs révèle la nécessité de revenir à l’origine des choses, d’analyser de façon logique et systématique les langages des différents champs disciplinaires. Architectes et artistes travaillent main dans la main avec des programmeurs pour identifier les unités de base qui interviennent dans les processus de création et formuler des lois qui assureront la cohérence de leurs expressions », analyse Mónica García Martínez, co-commissaire de l’exposition. Un an après la première Biennale d’architecture d’Orléans – la scène contemporaine espagnole y était largement présente –, les vastes espaces d’exposition du Frac accueillent cent trente-huit œuvres de seize plasticiens et architectes espagnols. Une scénographie rigoureuse et aérée pensée par Abdelkader Damani, directeur du Frac et co-commissaire de l’exposition, permet de découvrir des sculptures, des installations, des peintures, des dessins et des documents qui rendent compte de la richesse des innovations rendues possibles par l’abolition des frontières entre les différents champs de création. Une présentation très complète des recherches de l’architecte Francisco Javier Seguí de la Riva (né en 1940) et de la sociologue Ana Buenaventura (née en 1942) permet d’appréhender l’analyse de différentes organisations spatiales (l’ordre social, l’ordre biologique, l’ordre cosmique). Se développant selon des paramètres définis à l’échelle du réseau global structurant l’espace et formalisées par l’ordinateur, les unités hexagonales ou rectangulaires de l’ordre biologique témoignent plastiquement, une fois imprimées, de la nature et de la variabilité des systèmes vivants évolutifs organisés en séquences. Passionnant ! Tout comme les autres espaces de cette exposition qui réunit avec brio les acteurs majeurs de cette aventure historique particulièrement féconde.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°720 du 1 février 2019, avec le titre suivant : Espagne 1968, révolution informatique