Éric Poitevin

La tradition picturale à laquelle on voudrait l’attacher, et à laquelle on pense quand on regarde ses images, Éric Poitevin la rejette fermement. Dans la très soignée et instructive monographie publiée aux éditions Toluca, il s’en explique à Jean-Charles Vergnes, directeur du Frac et coauteur avec lui de la fort belle exposition panoramique de son œuvre. « Je fabrique des images qui répondent très souvent à d’autres images appartenant à l’histoire de la photographie (…) Mes images d’entrelacs de végétaux, de sous-bois ou de certains arbres se souviennent autant de Le Secq, de Stieglitz que de Callahan, en passant par certaines images de Raoul Hausmann. »

Regarder donc la photographie non pas en rapport à ce que l’on sait de la peinture, mais aux images relatives à l’histoire de la photographie. Telle sa dernière série des oiseaux morts suspendus à un fil, écho aux natures mortes similaires de volatiles d’Eugène Cuvelier (1837-1900). Dans l’autonomie propre à chaque image, réalisée dans une écriture minimaliste, déliée et calme, y compris dans le passage à trépas de ces cerfs ou biches, fraîchement abattus et au regard encore vivant, se construit avant tout une proximité immédiate. La mort advenue ou proche dans ces images aux formats toujours justes s’invite autant que la vie dans son œuvre où pointe autant l’éclat, la clarté d’un grain de peau, d’une forêt, d’un plumage, d’un regard, que la fragilité d’être.