« Commencer de dire des vers, c’est entrer dans une danse verbale », disait Paul Valéry, lors de sa conférence sur la philosophie de la danse en 1936.
La métaphore d’un langage du corps semblable à celui du verbe transparaît subtilement dans l’exposition « Degas Danse Dessin » au Musée d’Orsay, par un va-et-vient entre plusieurs niveaux de lecture. Tout d’abord, les dessins de Paul Valéry, d’une précision remarquable, glissés dans ses cahiers d’écriture, font d’emblée écho aux sonnets d’Edgar Degas, dévoilés aux premiers regards du visiteur. À ce préambule d’une grande richesse distillée sous de trop rares vitrines, s’ajoutent quelques-unes de leurs correspondances et des photographies de Degas offertes à Valéry qui témoignent de leur attachement réciproque dès leur première rencontre à Paris, en 1896, par l’intermédiaire d’Eugène Rouart. Puis, des extraits de l’ouvrage Degas Danse Dessin de Valéry, publié en 1937, sont alors mis en regard avec les dessins, pastels, peintures et sculptures de Degas qui explore inlassablement la figure en mouvement, tantôt à travers la ligne, tantôt à travers la couleur.
Comme l’expliquent Marine Kisiel et Leïla Jarbouai, commissaires de l’exposition, Degas crée, à ses débuts, « une grammaire » visuelle de la représentation du corps en mouvement, qu’il va nourrir et enrichir à travers l’observation, durant près de trente ans, des corps de danseuses à l’opéra Le Peletier. À l’exigence formelle et spectaculaire du pas de danse sur scène, il préfère le relâchement, le geste spontané saisi en coulisses ou en répétition.
Après l’incendie de l’opéra en 1873, Degas se détourne des salles de danse, mais continue à dessiner des danseuses, sans doute fidèle à ce conseil d’Ingres qu’il reçut à 20 ans : « Faites des lignes, jeune homme, faites des lignes ; soit de souvenir, soit d’après nature, et vous serez un bon artiste. » En écho aux innovations industrielles et techniques de ce XIXe siècle bouillonnant, la danse cristallise pour l’écrivain comme pour le peintre cette même quête d’un insaisissable mouvement intérieur, entre la rationalité de l’esprit et la fugacité du corps vivant.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Entrez dans la danse, entre Valéry et Degas
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°708 du 1 janvier 2018, avec le titre suivant : Entrez dans la danse, entre Valéry et Degas