États-Unis - Art contemporain

États-Unis

Éloge de la diversité au Whitney

Par Alain Quemin · Le Journal des Arts

Le 30 août 2016 - 767 mots

Le musée consacré à l’art américain présente plus de deux cents œuvres de sa collection sur le thème du portrait, où place est faite aux femmes et à la diversité culturelle.

NEW YORK - Si les œuvres de la période moderne qui y sont présentées ne brillent guère par leur excellence, l’accrochage actuel du Whitney, composé de portraits issus de sa collection, témoigne d’une vraie intelligence de l’histoire de l’art telle qu’elle se réécrit aujourd’hui. Rouvert à New York voilà plus d’un an, dans son nouvel espace de Meatpacking District, au bout de la séduisante promenade plantée de la High Line, le Whitney Museum of American Art est clairement revenu dans la course des plus grands musées internationaux. Assez ingrat vu de l’extérieur, le bâtiment imaginé par Renzo Piano est une réussite par ses volumes intérieurs largement ouverts sur Manhattan, grâce à de grandes baies vitrées et de somptueuses terrasses que les visiteurs sont invités à emprunter pour changer d’étage. Les œuvres placées en extérieur ou près des ouvertures dialoguent avec la ville emblématique des États-Unis, ce qui apparaît fort bien venu dans un musée voué à l’art américain.

Toute exposition organisée par le Whitney dans ses étages supérieurs est marquée de ce sceau et l’appui sur l’espace urbain permet de gommer certaines faiblesses comme celles de l’accrochage actuel, « Intérêt humain. Portraits de la collection du Whitney », pour sa partie art moderne . Ceci apparaît d’ailleurs inévitable, les États-Unis étant encore à cette époque loin derrière la France qui a remporté la mise au regard de l’histoire de l’art. Même les trois Edward Hopper sont assez faibles.
Pour la période contemporaine, les choses s’inversent, et là, le musée peut afficher fièrement quelques-uns des plus grands artistes internationaux, tant sont nombreux et marquants les artistes américains ou ceux vivant (ou ayant vécu) aux États-Unis. La sélection de photographies est magnifique, quelle que soit la période, des années 1930 à nos jours : Diane Arbus, Walker Evans, Robert Frank, Lee Friedlander, Helen Levitt, Robert Mapplethorpe – dont de très beaux clichés, même ceux violemment sexuels, sont exhibés sans précautions particulières –, Richard Avedon avec sa photo iconique de grand format Dovima with Elephants. Cirque d’Hiver, Paris (1955), Nan Goldin ou Ryan McGinley. Concernant l’art le plus récent, la photographie prend d’ailleurs largement le pas sur la peinture, bien qu’une toile magnifique de Wangechi Mutu datée de 2005, Me Carry my Head on my Home on my Head, explose par sa grande liberté de forme et sa belle richesse visuelle.

Par-delà les œuvres, s’affichent certains partis pris. On pourra ainsi s’amuser du choix qui a consisté à présenter comme portraits des œuvres qui n’en sont manifestement pas, puisque dépourvus de la moindre figure humaine.

Le plus frappant reste toutefois l’intégration de la diversité dans la sélection présentée, en particulier avec des artistes issus de la scène afro-américaine, et ce, alors même que l’objet « nationaliste » du musée pourrait s’accompagner d’une certaine étroitesse d’esprit. Même si l’institution est consacrée à l’art états-unien, les conservateurs du Whitney ont bien compris qu’il n’est plus défendable, au XXIe siècle,  de confondre l’art avec la seule création des artistes d’ascendance européenne, et ce d’autant plus dans une exposition de portraits, où sont fréquemment représentés des proches. La part des artistes femmes apparaît également élevée. Pour peu que l’on soit attentif à cette dimension, les femmes ne sont nullement absentes de l’histoire de l’art, depuis le XXe siècle.

Un parallèle avec le Centre Pompidou
Cette visite au Whitney ne peut manquer de susciter un parallèle avec la France et, bien sûr, avec le Centre Pompidou à Paris. Celui-ci a-t-il compris à quel point l’histoire de l’art se réécrit aujourd’hui en intégrant davantage de diversité chez les créateurs comme le fait également la Tate Modern, à Londres, avec sa nouvelle extension dévolue notamment à des artistes non occidentaux ? Après les présentations d’œuvres de ses collections contemporaines telles « elles centrepompidou » (2009-2011), consacrée aux artistes femmes, et « Modernités plurielles » (2013-2015) qui visait à décentrer, « désoccidentaliser » le regard, l’ordre établi est vite revenu au Musée national d’art moderne. Les « chefs-d’œuvre » créés par des artistes hommes, européens et vivant à Paris ont rapidement effectué leur retour, dans le cours même de « Modernités plurielles » (après le départ de la conservatrice et commissaire Catherine Grenier), et leurs auteurs ont retrouvé toute leur suprématie dans l’espace du musée. Pourtant, le présent accrochage du Whitney vient rappeler de façon éclatante qu’au XXIe siècle l’artistique et le politique ne peuvent plus être disjoints et que la diversité doit désormais être davantage intégrée. La nouvelle histoire de l’art se situe précisément là.

Portraits from the Whitney’s Collection

Nombre d’œuvres : plus de 200

Human Interest : Portraits from the Whitney’s Collection

jusqu’au 12 février 2017, Whitney Museum of American Art, 99 Gansevoort Street, New York, whitney.org, tlj 10h30-18h, le vendredi et samedi jusqu’à 22h, entrée 22 $ (env. 19,50 €).

Légende Photo :
Le Whitney Museum of American Art vu de Gansevoort Street, New York. © Photo : Ed Lederman.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°462 du 2 septembre 2016, avec le titre suivant : Éloge de la diversité au Whitney

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