Eisner, la peinture indissociable de l’ethnologie

Si la plupart de ses œuvres ont été exécutées à son retour aux États-Unis, la commissaire Sarah Ligner précise que « ce séjour influence durablement la composition de l’espace dans ses toiles ». De grands aplats de couleur encadrent en effet les personnages, eux-mêmes inspirés des populations locales pygmées. Elle suit son mari en mission et devient « ethnologue amateur », selon Sarah Ligner. Anne Eisner remplit alors des carnets, dessine les femmes et apprend une des langues pygmées. Influencée par Pollock et l’abstraction américaine, Anne Eisner produit aussi des toiles colorées où les personnages s’effacent dans des décors imposants. En parallèle, elle collecte des masques et des contes traditionnels auprès des tribus semi-nomades. Peu connue aujourd’hui, son œuvre a pourtant été exposé « dans des galeries new-yorkaises de son vivant », explique la commissaire, et même publié dès 1954. Cet ouvrage de dessins à l’encre était accompagné d’un texte rédigé par un journaliste imbibé de stéréotypes colonialistes : Sarah Ligner précise que Anne Eisner « était très contrariée de ce texte » et tenta de s’opposer à sa publication. L’artiste disait elle-même qu’elle aurait fait « un très mauvais colon », et il est d’autant plus regrettable que son œuvre n’ait fait l’objet d’aucune étude universitaire d’envergure tant il se prêterait à une approche post-coloniale.