LES SABLES-D'OLONNE
Cette exposition est née d’un souhait, celui de l’édile des Sables-d’Olonne, Didier Gallot, de s’inscrire dans le cadre du centenaire de la Grande Guerre.
Et, pour Gaëlle Rageot-Deshayes, la directrice du musée de la ville, situé rue de Verdun, qui mieux qu’Otto Dix pouvait incarner ces commémorations ? Né en 1891, Dix fut en effet le témoin « privilégié » des horreurs du conflit, placé aux premières loges des tranchées après son engagement en tant que mitrailleur en 1915. Blessé à plusieurs reprises, l’artiste allemand a ramené du front ses traumatismes accompagnés de nombreux dessins. Il en tirera La Guerre, suite de cinquante eaux-fortes réalisée en 1924. Dans cette série de gravures, digne des Désastres de la guerre de Goya, l’artiste représente l’irreprésentable : les cadavres en putréfaction sur des champs troués d’obus, les corps empalés sur les barbelés, les bombardements, les gueules cassées, mais aussi ce que la guerre engendre de misère humaine (la prostitution, l’alcoolisme…). Cette série est présentée, complète, au Musée de l’abbaye Sainte-Croix, qui l’a emprunté au Zeppelin Museum de Friedrichshafen, en Allemagne. Alignée sur un mur comme autant de condamnés, elle est accompagnée d’autres gravures pour former une exposition des « Estampes d’Otto Dix ». On y découvre ainsi des séries moins connues, comme les gravures sur bois réalisées entre 1919 et 1921 sur « la ville » ; une ville encore expressionniste où des seins lancés en pleine vitesse se confondent avec des obus. Un autre mur rassemble les portraits et autoportraits de l’artiste, et les femmes représentées sans fard. Assurément, Dix parvient à se placer dans la généalogie des Goya, Ensor et Redon. L’exposition se ferme avec L’Évangile selon saint Matthieu. Dans cette série de trente-sept lithographies réalisées en 1960, soit neuf ans avant sa mort, Dix a perdu de sa superbe. Libéré du camp de prisonniers de Colmar en 1946, l’homme tente de survivre. L’audace n’est plus là, à la différence des démons du passé qui le hantent toujours, comme en témoigne ce Christ outragé par un personnage grotesque vociférant sa haine : Hitler.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°718 du 1 décembre 2018, avec le titre suivant : Dix sur Dix