Degas, entrechats et champs de course

Deux regards sur les thèmes de prédilection de l’artiste

Le Journal des Arts

Le 22 mai 1998 - 686 mots

Deux expositions organisées aux États-Unis proposent une découverte plus approfondie de l’œuvre d’Edgar Degas. La passion du cheval à Washington, et la figure de la danseuse à Williamstown, puis Baltimore, ces deux thèmes montrent la variété qui se dessine sous l’unité de façade, et témoignent d’une nouvelle politique d’expositions à vocation moins monographique.

WASHINGTON - Les États-Unis consacrent actuellement deux grandes expositions à Edgar Degas, peut-être l’un des artistes français les plus polyvalents de la fin du XIXe siècle, en mettant l’accent sur deux aspects particuliers de son œuvre. “Degas aux courses”, conçue par Jean Sutherland Boggs, sera présentée uniquement à Washington, alors que celle de Richard Kendall, “Degas et la Petite danseuse”, a débuté au Joslyn Art Museum dans le Nebraska, avant d’être présentée successivement à Williamstown, dans le Massachusetts, et à Baltimore.

Degas qui, au cours de ses soixante ans de carrière, a travaillé sur de nombreux supports et sujets, se prête remarquablement à cette démarche thématique. Au-delà de l’effet immédiat, une riche complexité se dessine dans son travail. Des liens apparaissent entre les différents supports – la sculpture et le pastel par exemple –, et les diverses périodes, entre les nus tardifs et les premiers tableaux historiques. Et, tout au long de sa carrière, la foi absolue dans le dessin ne l’a jamais quitté, assurant une cohésion entre des œuvres pourtant très variées.

“Degas aux courses” couvre une période chronologique assez importante, et invite le visiteur et le lecteur du catalogue à rechercher les constantes et les variables. Le sujet pourrait paraître limité, mais pas avec un artiste comme Degas. Si les courses de chevaux et les jockeys sont présents dans quelque 130 œuvres couvrant une période de cinquante ans, on trouve également des tableaux précoces de petites filles sur des poneys, des scènes de chasse au renard, des peintures de chevaux de trait, et même Alexandre et Bucéphale. Les techniques em­ployées sont tout aussi variées : ce ne sont pas uniquement des pastels et des peintures sur toile, mais aussi de petites figurines de cire pleines de vie, des dessins très purs au crayon, des esquisses rapides au pinceau de cavaliers, et d’étranges compositions tout en longueur réalisées dans les années 1880, certainement inspirées de décorations murales. Comme l’exposition précédente, celle-ci propose des œuvres clés, accompagnées de leurs études préparatoires. Le Fallen jockey, de la collection Mellon, est certainement la plus importante de toutes. Exposé au salon de 1866, il n’avait fait depuis lors que de très rares apparitions.

Autour de la “Petite danseuse”
L’exposition autour de la Petite danseuse – qui, à sa première apparition lors de l’exposition impressionniste de 1881, avait déchaîné les passions – présente essentiellement des œuvres exécutées au milieu de la carrière de l’artiste : les images de ballet, dans différentes techniques, sont mises en relation avec l’œuvre phare, elle-même exposée de manière à provoquer un échange fécond avec ses études préparatoires. La sculpture en cire de 1881 est vêtue d’un véritable tutu et porte une perruque en crin de cheval. Le Joslyn Art Museum possède un plâtre très rare, exécuté peu après la mort de Degas, et qui, à l’instar d’autres sculptures retrouvées dans son atelier, devait servir à la réalisation de bronzes. Jusqu’à présent négligée par les experts, cette pièce est aujourd’hui montrée en tant qu’œuvre à part entière. La nouveauté est partout dans cette exposition. En effet, le tutu de la ballerine, décoloré et encrassé par des décennies de dépôt de poussière, a été remplacé par un vêtement propre et neuf afin de rendre à la figurine le réalisme et le rythme souhaités par Degas. Espérons que les conservateurs de tous les musées en possession de bronzes de la Petite danseuse oseront enfin s’intéresser aux moules ayant servi à leur fabrication !

DEGAS AUX COURSES, jusqu’au 12 juillet, National Gallery of Art, Fourth Street at Constitution Avenue, NW, Washington, tél. 1 202 737 4215, tlj 10h-17h, dimanche 11h-18h.

DEGAS ET LA PETITE DANSEUSE, jusqu’au 7 septembre, Sterling and Francine Clark Art Institute, 225 South Street, Williamstown, Massachusetts, tlj 10h-17h, tél. 1 413 458 95 45 ; puis 4 octobre-3 janvier 1999, Baltimore Museum of Art.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°61 du 22 mai 1998, avec le titre suivant : Degas, entrechats et champs de course

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