Dedobbeleer s’amuse avec le regard

Et dans ses œuvres, on ne voit pas sa patte d’artiste, car il n’y met pas la main. « Je ne ressens pas le besoin de développer un savoir-faire », a-t-il précisé. Les compositions qu’il présente à La Verrière, à Bruxelles, sont à décoder par le visiteur : des objets les plus divers soigneusement sélectionnés, des œuvres d’autres artistes ou des photos d’œuvres sont méticuleusement agencés dans un cabinet de curiosités, tel un inventaire à la Prévert. Installée dans l’espace arrière d’une luxueuse boutique Hermès, cette exhibition hétéroclite distille une interrogation ironique sur la valeur des choses. Le paravent qui se déploie comme un leporello est une machine à montrer. La scénographie recrée des ambiances et des espaces qui pourraient faire penser aux stands d’une foire d’art ou aux différentes ambiances d’un intérieur raffiné. ­Koenraad Dedobbeleer est un artiste qui aime regarder, autant qu’il joue du puzzle du regard. L’énigmatique titre de l’exposition est emprunté à l’enseigne incomplète du coiffeur qu’il croise au fil de ses promenades bruxelloises. Défigurées par le temps, les lettres métalliques ont été libérées de leur devoir de faire sens pour inventer un nouveau langage. C’est aussi ce que fait l’artiste avec ces rébus visuels, où il détourne des objets de leur contexte premier par des associations et des apparentements qu’il agence avec la maîtrise d’un chef d’orchestre. Un biscuit spéculoos de Saint-Nicolas illuminé d’un collier de Simona Denicolai ou une reproduction d’une mosaïque de Pompéi associée à des boîtes de maquereaux en sauce tomate et de thon à l’huile, des feuilles de salade et un album de Claire Brétecher. Dans ses choix et ready made, l’artiste transcende la fonction des objets comme celle des temps artistiques : on trouve aussi bien Albrecht Dürer que Jean Brusselmans ou encore une sélection raffinée de céramistes des années 1950.