Contrairement à ce que son titre laisse entendre, « Peintures pour un château » présente non seulement des œuvres exécutées pour le château de Fontainebleau, mais aussi un ensemble de tableaux ayant rejoint les collections de la prestigieuse résidence après sa transformation en musée. Si le propos perd en clarté ce qu’il gagne en ampleur – des décors du XVIe siècle voisinent avec des toiles du XVIIIe siècle récemment placées en dépôt –, reste qu’une quinzaine des cinquante pièces exposées n’est habituellement pas accessible au public.
FONTAINEBLEAU - Ulysse, à moitié accroupi, suspend son geste tandis que sa flèche traverse le dernier anneau d’une série de sept, disposés en ligne. Revenu à Ithaque après son long périple, il est en train de passer avec succès l’épreuve que sa femme, la fidèle Pénélope, s’est résolue à imposer à ses prétendants. Ceux-ci observent la scène, les uns attablés sur une terrasse, les autres appuyés à une balustrade située plus haut et plus loin. Au fond, Pénélope se retire, gravissant un escalier qui semble ne mener nulle part.
Avec ses attitudes outrées, ses anatomies musculeuses, sa multiplication des plans et ses coloris acides, cette copie de la fin du XVIe siècle, que le musée a acquise en 1995, permet de bien reconstituer l’une des 58 compositions de la célèbre Galerie d’Ulysse. Deux autres tableaux se réfèrent également à ce somptueux décor, conçu par Primatice et exécuté par Nicolo dell’Abbate sous les règnes de François Ier, Henri II et Charles IX, et malheureusement détruit sous Louis XV.
Décors perdus
Plusieurs copies ou fragments de décors viennent documenter d’autres ensembles perdus. Une huile sur toile de Toussaint Dubreuil évoque ainsi l’Histoire d’Hercule, commandée par Henri IV pour le Pavillon des Poêles et démantelée en 1703. La présence de repentirs indique un original et remet en cause l’opinion selon laquelle les 27 scènes du décor étaient des fresques. Dans la salle suivante, le Cabinet de Clorinde ressuscite en partie, avec un groupe de cinq peintures d’Ambroise Dubois, l’autre grand représentant de la seconde École de Fontainebleau. Également son œuvre, la série sur l’Histoire de Théagène et Chlariclée est illustrée par un tableau qu’on avait longtemps cru perdu et que le musée a retrouvé et acquis en 1980 : Chlariclée enlevée par Trachin. Le style élégant aux coloris sonores du peintre se retrouve encore dans l’Art de peinture et de sculpture, une belle allégorie qui ornait la cheminée du Cabinet de la Volière, détruit avant 1730.
Cependant, dès Louis XIII, les souverains n’apprécient plus du tout le maniérisme bellifontain. Le Roi-Soleil s’intéresse plutôt aux œuvres de Bassano, des Carrache ou de l’Albane, dont l’exposition montre de superbes exemples. S’il fait venir à Versailles les collections classiques de François Ier, comme la Grande Sainte famille de Jean Michelin d’après Raphaël, il ordonne en revanche le remplacement, dans la Galerie François Ier, des fresques de Primatice et de Rosso par deux œuvres de Louis de Boullongne le Jeune.
Le château connaîtra encore de nombreux remaniements durant les XVIIIe et XIXe siècles. Mais parmi les peintures de cette époque qui sont venues l’enrichir – une marine de Claude Joseph Vernet, des ruines de Pannini, la Marchande d’amours de Vien, deux tableaux néoclassiques de Louis Gauffier… –, peu se confondent véritablement avec l’histoire des lieux. Plusieurs ont même été déposées par le Louvre après la proclamation de la Troisième République. Un peu hors sujet donc.
Jusqu’au 15 mars, château de Fontainebleau, aile des Princes, 77300 Fontainebleau, tél. 01 60 71 50 70, tlj sauf mardi 9h30-12h30 et 14h-17h. Catalogue 128 p., 50 ill. coul., 95 F.
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Décors bellifontains
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°75 du 22 janvier 1999, avec le titre suivant : Décors bellifontains