Associer l’Art brut aux technologies semble contradictoire. Ce champ artistique est à ce point assimilé à l’imagerie primitive et « pauvre » en moyens forgée par Dubuffet, et tellement confondu avec la prétendue étanchéité au monde des « outsiders » (aliénés, prisonniers, marginaux…), qu’il semble ne rien devoir à l’air du temps.
Contre ce dogme, « Brut Now » aux musées de Belfort et à l’espace Gantner envisage tout à l’inverse la manière dont il se nourrit formellement et techniquement des technologies du XXe siècle. De l’aveu de Christian Berst, co-commissaire de l’exposition avec Antoine Capet et David Lemoine (collectif Brut Pop), il entre dans cette entreprise une volonté de « dé-dubuffétiser » l’Art brut pour mieux en redéfinir les spécificités. Les artistes réunis à Belfort mobilisent les technologies de deux manières. Il y a d’abord ceux qui, comme Miroslav Tichy, Albert Moser ou Zorro, en font des outils de nature à servir leur fétichisme. La photographie, qui est historiquement le premier médium à avoir nuancé le diktat « dubuffetien » d’un Art brut autodidacte et rétif à la technologie, occupe une place d’autant plus grande dans « Brut Now » qu’elle ouvre sur les usages, plus contemporains, de PowerPoint, Paint ou Minecraft par Enzo Schott, Yohann Goetzman et Rhalidou Diaby, ou sur ceux de la photocopie par Bintou. Quel que soit l’outil employé, la reproductibilité technique sert chez ces artistes la réitération obsessionnelle du geste et du motif, désignant d’abord l’Art brut comme une écholalie et une « répétition de répétition » – selon l’expression choisie par Gallien Déjean dans le catalogue de « Brut Now » aux Presses du réel – qui offrent un troublant reflet à l’obsession contemporaine du remix. Chez un second groupe d’artistes, la technologie, et plus largement la science, se donnent aussi pour des systèmes d’élucidation du mystère d’être au monde ou des moyens d’intercession – de « connexion », faudrait-il dire – avec d’autres univers, extraterrestres surtout. Chez Kosek, Terry Davis, Jean Perdrizet, John Urho Kemp, Alexandro Garcia ou Oscar Morales, l’invention d’un code prépare et encadre la confrontation – problématique chez beaucoup d’artistes – avec l’altérité, à moins qu’elle ne serve l’élévation vers Dieu. C’est évidemment dans ces œuvres-là que se joue la partie la plus fascinante de l’exposition, la plus à même d’accréditer la définition szeemannienne de l’Art brut comme « mythologie individuelle », sinon comme métaphysique.
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De l’art brut high-tech
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Abonnez-vous dès 1 €Espace multimédia Gantner, 1, rue de la Varonne, Bourogne (90) et Tour 46, salle d’expositions temporaires, rue de l’Ancien-Théâtre, Belfort (90), www.espacemultimediagantner.cg90.net
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°697 du 1 janvier 2017, avec le titre suivant : De l’art brut high-tech