Le Musée d’art moderne de la Ville de Paris offre la première rétrospective française de la peintre finlandaise.
PARIS - Pour Gérard Audinet, conservateur au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, l’entreprise était risquée. L’idée d’une monographie consacrée à l’obscure artiste scandinave Helene Schjerfbeck (1862-1946) n’exhalait pas le même parfum de succès assuré qu’un sujet bien franco-français, voire un combat de titans à la Matisse-Picasso. Conçue par Annabelle Görgen, de la Kunsthalle de Hambourg, l’exposition n’est pas un pur cru parisien. Après une première étape à La Haye, cette rétrospective de cette icône finlandaise est la première à franchir les frontières de l’Europe du Nord. Et les salles du musée parisien ne désemplissent pas.
Injustement réduit à ses seuls autoportraits, le travail d’Helene Schjerfbeck prend ici toute sa dimension. Des débuts placés sous le signe de la peinture naturaliste, et des paysages inspirés par un séjour à Pont-Aven, le style de Schjerfbeck a très vite gagné en autonomie. Faisant preuve d’une grande économie de moyen, l’artiste réalise des portraits de femmes lisant, cousant ou méditant à l’aide d’aplats de couleurs franches aux frontières floues. L’influence japonaise n’est pas loin, et Gérard Audinet de confirmer : « Elle était à la recherche du haïku ». Son sens de l’épuration est telle, qu’avec les années, ses sujets menacent de s’évaporer. C’est le cas avec ses « réincarnations », ces copies de ses propres toiles qu’elle exécute à la suggestion de son marchand, Stenman.
Réincarnées après plusieurs décennies, ces peintures sont des autoportraits à part entière. L’artiste est face à elle-même, elle se jauge, peut se corriger sans pour autant mentir. C’est encore plus vrai avec ses autoportraits. La délicatesse des tons, la légèreté du détail et la douceur de l’expression par exemple d’une toile datant de 1895, ne laisse en rien augurer du regard sans concession que l’artiste portera sur elle-même au fil des ans. L’ultime salle du parcours réunit les derniers autoportraits, des années 1940, où le visage décharné de l’artiste se fait de plus en plus spectral. Aux yeux de Gérard Audinet, ces apparitions fantomatiques représentent l’aboutissement du travail de Schjerfbeck, tant sur le plan graphique, que sur le plan psychologique.
L’accrochage et surtout l’éclairage ne sont, malheureusement, pas à la hauteur des œuvres qu’ils sont censés sublimer. Les parties supérieures des tableaux sont trop fréquemment obscurcies par l’ombre de leur propre cadre. Les vitres reflètent le visiteur et compromettent ainsi le regard sur les œuvres qu’elles protègent.
Jusqu’au 13 janvier, Musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 11, avenue du Président Wilson, 75116 Paris, tél. 01 53 67 40 00, www.mam.paris.fr, tlj sauf lundi 10h-18h, jeudi 10h-22h. Catalogue, éditions Paris Musée, 232 p., 286 ill., 39 euros, ISBN 978-2-7596-0020-5.
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Dans les yeux d’Helene Schjerfbeck
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Abonnez-vous dès 1 €- Commissaires : Annabelle Görgen, Hamburger Kunsthalle, Gérard Audinet, Musée d’art moderne de la Ville de Paris - Nombre d’œuvres : plus de 120 œuvres - Nombre de salles : 6
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°272 du 4 janvier 2008, avec le titre suivant : Dans les yeux d’Helene Schjerfbeck