Le photographe allemand est un activiste.
La Tate Modern le rappelle à l’occasion
de ce palpitant électrocardiogramme
de l’homme et de son œuvre.
LONDRES - Un électrocardiogramme précise toujours la date de sa réalisation. Celui de Wolfgang Tillmans, pratiqué par la prestigieuse institution londonienne à la veille des presque 50 ans de l’artiste allemand, n’y échappe pas. La mention « 2017 » en titre de l’exposition à la suite de son nom n’est pas anodine, à l’heure où la Grande Bretagne s’apprête à sortir de l’Union européenne, tandis que les déclarations de Donald Trump, Vladimir Poutine et Marine le Pen forment une inquiétante caisse de résonance. Les pays vacillent sous la montée des nationalismes, les effets du drame migratoire en Méditerranée et les fake news. Wolfgang Tillmans s’en fait ici le dénonciateur en apposant sa manière de voir le monde dans un « habiter poétique et pensant », pour reprendre Martin Heidegger. La Tate développe au fil des salles cette approche en se faisant l’écho autant de la photographie, des installations, de la vidéo, la performance que de la musique, l’édition ou encore de son intérêt manifeste pour l’architecture.
Amateur de musique
Si l’on retrouve la plupart des grandes séries de l’artiste (« Silver », « Headlight », « Greifbar »…), ses expérimentations et libertés en matière de prise de vue, d’impression et d’accrochage, la Tate Modern convoque avant tout ce qui fait battre le cœur du photographe. Une première dans l’approche de sa création visuelle. En ce sens, donner une large place aux truth study centers (centres d’étude de la vérité regroupant articles, photographies ou courbes statistiques sur tel ou tel sujet étudié et entamé par l’artiste depuis 2005) ou réserver une salle à ses goûts musicaux, élargit les points de vue. À mi-parcours, une « Playback Room » est en effet réservée à la sélection personnelle de Tillmans, grand amateur de musique, de boîtes de nuit et musicien lui-même. À l’automne 2016 est sorti Fragile-Visual, son premier album, qu’il a entièrement composé.
Dans cette salle, l’évocation de la programmation artistique de Between Bridges – espace d’exposition qu’il a ouvert en 2006 à Londres avant de le transférer à Berlin, où il vit désormais – ouvre à une autre focale. À l’instar de la vaste salle réservée à ses différents articles, affiches et ouvrages que l’on peut consulter. Visiblement curieux de tout, l’artiste a trouvé dans la création et l’art les meilleurs alliés pour conjurer les régressions et les visions ségrégationnistes, homophobes et/ou racistes. Wolfgang Tillmans n’a jamais mâché ses mots ni caché ses sentiments. En témoignent les slogans de la campagne d’affichage anti-Brexit qu’il a réalisée lors du référendum au Royaume-Uni. L’intérêt qu’il porte aux autres cultures et aux fonctionnements sociaux répond aux chaos et errements du monde.
Les portraits de ceux qu’il rencontre au cours de ses différents voyages ou qui forment sa constellation d’êtres aimés ou de références, disent beaucoup sur ses questionnements et attachements. Deux portraits d’Oscar Niemeyer pris à peu d’années d’intervalle font ainsi écho à sa passion pour l’architecture. Une salle du rez-de-chaussée de la Tate a d’ailleurs été réservée à l’installation de Book for Architects, projection sur quatre écrans de 450 photographies d’édifices, d’artères ou espaces urbains prises entre 2004 et 2014 dans 37 pays et cinq continents. On a désormais hâte de découvrir fin mai l’autre grande rétrospective Wolfgang Tillmans concoctée par la Fondation Beyeler, à Riehen en Suisse.
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Dans la peau de Wolfgang Tillmans
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 11 juin, Tate Modern, Bankside, Londres.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°477 du 14 avril 2017, avec le titre suivant : Dans la peau de Wolfgang Tillmans