Art Contemporain - L’artiste américain, né en 1983, est fasciné par les sites collectifs désaffectés, autrefois lieux d’activité industrielle ou de rassemblements contraints.
Il y puise des matériaux et des rebuts qu’il transforme et assemble dans son atelier devenu laboratoire afin de créer des sculptures ou des installations semblables à des paysages intérieurs. Pour sa première exposition institutionnelle en Belgique, il s’est intéressé à la prison bruxelloise de Forest, fermée en 2022. Conceptuelle, l’approche de l’artiste se distingue par sa radicalité. Ce qui l’intéresse dans les matériaux, ce sont les traces invisibles qu’ont pu laisser les usagers qui ont manipulé et côtoyé ces équipements. Il les creuse et les épuise comme pour en extraire leur substance intime et réduire l’objet à son essence au-delà de la forme. Ainsi, il va presser le dessus des tables pour en extraire une huile ou broyer le laiton des poignées de porte des cellules pour le réduire en une limaille irisée dont il enduira un mur du musée. Des dizaines de radiateurs en fonte ont été fondus et façonnés en deux barres de métal brillant, froid et austère, peut-être une évocation indirecte de la dureté des conditions de vie. « Le matériau parle pour les détenus. Je n’ai pas besoin de témoignages. Si j’étais peintre, je ne ferais pas des personnages mais des paysages », souligne l’artiste. Peintre, Turner l’a été au début de sa carrière avant de brûler toutes ses toiles en 2006 dans une performance intitulée Burning an Entire Body of Work. La dernière salle offre un contraste saisissant avec tout ce qui a précédé. Sur les quatre murs-écrans défilent les photos qu’il a prises au cours de son exploration de la prison bruxelloise. Murs carrelés, armoires de vestiaire ouvertes, radiateurs écaillés, rangées de douches tavelées d’humidité, siège de dentiste. Autant de lieux vides de toute présence qui hurlent l’absence humaine, dans le tic-tac obsédant de l’horloge oubliée de la section psychiatrie. C’est sans doute le moment le plus poignant de l’exposition, comme sa justification à rebours.
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Daniel Turner, laboratoire-prison
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°783 du 1 mars 2025, avec le titre suivant : Daniel Turner, laboratoire-prison