Damien Hirst, l’art de la stratégie

« Une jeune femme s’est présentée à moi en me disant : “Bonjour, je suis la directrice de la stratégie de Damien Hirst.” » Tout est dit. Damien Hirst est un artiste stratège. Sa nouvelle prestation à Venise – la plus importante depuis dix ans – en est d’ailleurs l’une des plus époustouflantes illustrations. Fondée sur l’histoire d’un esclave affranchi de l’époque d’Antioche qui a fait fortune et dont le bateau, porteur de trésors de toutes les cultures du monde, a coulé, elle en rassemble la prétendue cargaison que l’artiste aurait retrouvée au fond de la mer en 2008, documents filmés à l’appui. Damien Hirst le sait bien : une grande part de l’histoire de l’art repose sur la notion de mythe et, côté mythomanie, l’artiste tient bon la corde. Non sans brio ou intelligence, jonglant avec aisance entre tous les modèles que cette histoire a produits.

Duelle, l’exposition vénitienne atteste d’un sens aigu du spectacle, du décor et de la production façon hollywoodienne. En fin stratège, l’artiste a imaginé pour l’occasion tout un ensemble d’œuvres traversant le temps, depuis l’Antiquité jusqu’au pop art, boursouflées de coraux, d’algues, de sédimentations marines et autres joailleries rutilantes. D’un lieu à l’autre, elles s’offrent à voir en répétition lassante comme les restes du tournage d’un film qui pourrait bien être une nouvelle version de Pirate des Caraïbes.