Après les prestigieuses donations Rousset et Calmann, le Musée Guimet s’enrichit, grâce à la générosité du collectionneur belge Jacques Polain, d’un très bel ensemble de statuettes de terre cuite funéraires des dynasties Han et Tang. Présentées à l’occasion d’une exposition savante et raffinée, ces pièces exceptionnelles déclinent avec virtuosité la figure emblématique du cheval.
PARIS - "Je suis un classique. Je trouve mon art moderne dans les objets du passé", avoue, avec une pointe d’ironie, le collectionneur belge Jacques Polain. Cet esthète épicurien qui vit, non loin de Bruxelles, dans une très belle demeure où se côtoient harmonieusement paravents japonais, bouddhas khmers, meubles anciens espagnols et italiens, vient de faire à la France une donation d’une rare qualité. À la France, et non à la Belgique ? "Parce qu’une politique culturelle minimaliste et un climat de division ont arrêté un possible élan", rétorque aussitôt cet amoureux de Paris.
Joyaux des dynasties chinoises Han (IIe siècle av.-IIe siècle ap. J.-C.) et Tang (618-907), une cinquantaine de statues et statuettes de terre cuite viendront donc rejoindre le Musée Guimet après l’achèvement de ses travaux, et combler ainsi fort à propos certaines lacunes en ce domaine. Loin de ressembler aux nombreuses pièces de série apparues sur le marché depuis une dizaine d’années, ces mingqi s’offrent à notre délectation le temps d’une exposition savante et raffinée, célébrant le cheval comme source d’inspiration féconde des artistes chinois…
"Chevaux volants", "chevaux divins", "chevaux célestes", "chevaux à la sueur de sang", combien d’épithètes glorieuses pour traduire la fascination exercée par le fier animal sur l’Empire du Milieu !
Sagement rangées en ordre de bataille dans les tombes
C’est au IVe siècle avant notre ère que la cavalerie fait son apparition dans l’armée du roi Wuling de Zhao afin de repousser les hordes de nomades qui menacent les frontières du Nord. Sagement rangées en ordre de bataille dans les tombes, de nombreuses figurines en terre cuite polychrome reflètent ainsi cette métamorphose du cheval, de simple élément de traction ou de transport en auxiliaire précieux de l’homme.
Certes, sur ces pièces quelque peu stéréotypées, cavalier et monture forment encore un ensemble curieusement disparate… Mais, c’est la splendeur d’un animal admiré en dehors de toute fonction précise qui sera bientôt exaltée. Les naseaux frémissants, les oreilles dressées, le dos court et cambré, l’un des pur-sang de la donation Polain exhibe ainsi sa silhouette toute en savantes courbes et contre-courbes.
Si les pièces du Sichuan évoluent vers plus de joliesse, voire de naïveté, l’on assiste cependant, sous les Han postérieurs, à la lente transformation de l’image du cheval, d’élément guerrier au symbole d’appartenance à la classe dirigeante.
Emblèmes de richesse et de raffinement pour une société chevaleresque éprise de poésie, les fiers coursiers se métamorphosent alors peu à peu en animaux de parade, bichonnés et précieux ! Ce serait oublier, cependant, l’une des créations plastiques les plus ambitieuses de la sculpture Tang, la ligne fluide et immatérielle d’un "galop volant" dont on ne trouve l’équivalent que sur la frise du Parthénon ! Et les petites joueuses de polo aux pommettes roses de caracoler dans les airs, sous le regard attentif d’élégantes dames d’honneur "aux chaussures de nuages" et au port de reine…
Chine : des chevaux et des hommes, la donation Jacques Polain, jusqu’au 15 janvier 1996, Paris, Musée Guimet, tous les jours, sauf le mardi, de 9h45 à 18h. Catalogue publié par la RMN, 250 F.
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Chevaux et cavaliers dans l’Empire du Milieu
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°20 du 1 décembre 1995, avec le titre suivant : Chevaux et cavaliers dans l’Empire du Milieu