Fin Xixe Siècle - On pourrait visiter l’exposition du Musée de Pont-Aven comme on ferait un beau voyage chez les Nabis, admirant les œuvres de ceux qui s’étaient donné le nom de « nabis » – « prophètes » en hébreu.
Mais l’aventure qu’on nous propose est autre. Pour la vivre, il faut chausser des lunettes un peu spéciales qui focalisent sur le genre. Comme ces lunettes qui font apparaître des images plates en trois dimensions, elles nous permettent de regarder autrement les œuvres qui, d’un coup, prennent un relief nouveau. Ainsi du monumental Hommage à Cézanne de Maurice Denis, prêté par le Musée d’Orsay, qui accueille le visiteur. Dans ce tableau manifeste, on voit un certain nombre de peintres nabis – Maurice Denis, Paul Ranson, Ker-Xavier Roussel, Pierre Bonnard – réunis dans la boutique du marchand Ambroise Vollard, pour célébrer Paul Cézanne représenté par la nature morte posée sur un chevalet. Mais sur le côté, discrètement collée contre un mur, une femme, Marthe Denis, épouse de l’artiste, tourne la tête en souriant. Discrète, seule à nous regarder et à faire le lien, elle est à l’image de la présence des femmes au sein de ce groupe. Certes, il n’y a pas eu de « nabie ». Mais épouses, mères ou belles-mères, maîtresses ont été pour ces artistes des repères affectifs, des assistantes, des modèles et parfois des mécènes. Pas question de faire d’elles des amazones. Le parcours met en lumière leur contribution artistique concrète dans un système où prime une division sexuée des rôles : elles apparaissent dans les peintures en train de prendre soin de leurs enfants, de coudre ou « filer doux » – pour reprendre le titre plein d’humour d’une des sections –, ou « font tapisserie » – encore un intitulé d’une salle de cette exposition décidément espiègle… Mais en « filant doux » et en « faisant tapisserie », ces femmes brodent, réalisent des tapisseries justement, d’après les dessins des Nabis, si bien que, tout en officiant en périphérie du groupe, elles y sont bel et bien présentes. Une exposition réussie qui décape notre regard.
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Celles qui font tapisserie chez les Nabis
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°778 du 1 septembre 2024, avec le titre suivant : Celles qui font tapisserie chez les Nabis