Carte blanche pour voir autrement le dessin

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · L'ŒIL

Le 2 novembre 2007 - 388 mots

On se souvient des remarquables expositions concoctées par le département des arts graphiques du Louvre qui n’hésita pas à donner carte blanche à des personnalités artistiques et intellectuelles aussi diverses que le philosophe Jacques Derrida ou le cinéaste Peter Greenaway. L’exercice provoqua des réflexions pertinentes, mais aussi des accrochages d’une rare poésie et d’une grande beauté...
Le musée des Beaux-Arts de Lyon invite à son tour le philosophe Jean-Luc Nancy à inventer et construire son cabinet de dessins idéal, le temps d’une exposition aussi ambitieuse que singulière. Le propos ? « Montrer les gestes du dessin pour faire sentir en eux les élans de ce plaisir au corps dessinant, montrer aussi quelles formes, images, emblèmes du désir s’offrent à ces tracés. » Soit un parcours cérébral et sensoriel à travers cent cinquante feuilles représentatives de toutes les écoles et de toutes les époques comprises entre le XVIe et le XXe siècle.
De Michel-Ange à Seurat, de Picasso à Fabrice Hybert, de Delacroix à Orozco, cette anthologie subjective à souhait esquisse cette cartographie du tracé dans ses multiples états. Car c’est d’un mouvement qu’il s’agit avant tout, d’un geste qui se donne pour mission de rendre l’espace « visible », si ce n’est « lisible ». Point de hasard si dans de nombreuses langues – dont le russe – le même terme sert à désigner le fait d’écrire et de dessiner...
« Dessiner est une métamorphose de signes qui changent d’aspects tels des insectes. Une métamorphose qui se repère toujours. Il n’y a pas de fin, pas de début. Il y a le sentiment d’aller, de venir, d’être toujours en route, de flux et de reflux. Il n’y a pas de cadre évident, donc, mais plutôt un élargissement », dit fort justement le plasticien et chorégraphe flamand Jan Fabre. Et c’est
précisément ce sentiment de liberté
originelle et de jouissive légèreté que les artistes prisent et recherchent dans la discipline du dessin, laboratoire infini de leurs angoisses et de leurs désirs. N’est-ce pas ce que traduisent ces griffures, zébrures, ratures, gaufrures et autres vergetures imprimées au cœur du papier ?
Surprendre la main arrêtée de l’artiste, saisir les pulsions de son élan créateur, telle est l’une des nombreuses ambitions de cette bien séduisante exposition lyonnaise...

« Le plaisir au dessin, carte blanche à Jean-Luc Nancy », musée des Beaux-Arts de Lyon, 20, place des Terreaux, Lyon (69), jusqu’au 14 janvier 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°596 du 1 novembre 2007, avec le titre suivant : Carte blanche pour voir autrement le dessin

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