Conçue par l’Écomusée de Saint-Nazaire, l’exposition « Décors de paquebots » fait escale à Boulogne-Billancourt. Maquettes, éléments de décors et mobilier évoquent l’évolution sur un siècle des aménagements intérieurs des transatlantiques avec, en contrepoint, une section consacrée à l’architecture « paquebot » dont la ville compte plusieurs exemples célèbres. Documentée et intelligemment reliée à l’histoire locale, elle présente l’un des fonds les plus intéressants du musée et ouvre une voie prometteuse.
BOULOGNE-BILLANCOURT - Ceux qui ont admiré les décors du Titanic, minutieusement reconstitués dans le film de James Cameron, peuvent découvrir au Musée des années trente les espaces intérieurs, tour à tour somptueux ou modernistes, de ses concurrents français et d’autres grands paquebots construits depuis 1891.
La variété des pièces présentées – projets, objets réalisés ou maquettes – ainsi que la taille et l’état lacunaire des décors parvenus jusqu’à nous ne permettaient guère d’envisager des restitutions. En optant pour un circuit chronologique et historique, les commissaires de l’exposition ont su éviter le piège de l’accumulation. Les œuvres, groupées par navire, sont remises dans leur contexte grâce au recours systématique au plan en coupe et aux reproductions d’archives photographiques. Si la circulation du public est confuse – la salle des expositions, rotonde vitrée autour d’un puits de lumière, se révèle peu pratique à l’usage –, le propos est au contraire très structuré, soulignant les principales innovations techniques et architecturales, ainsi que l’esprit qui a présidé à la distribution et à la décoration de chaque paquebot.
Du luxe au confort
Jusqu’au début des années vingt, tout tend à faire oublier aux passagers de la classe luxe qu’ils sont à bord d’un bateau : éclectisme et pastiches dominent, comme en témoignent les colonnes ioniques du hall d’embarquement du France (1912), qualifié de “Versailles flottant”. En 1921, le Paris se démarque de cette tradition. Hésitant entre Art nouveau et Art déco, c’est l’un des premiers navires au diapason de son époque. Dans cette lignée, une place particulière est accordée au Normandie (1935), chef-d’œuvre de l’Art déco dont les volumes intérieurs dessinés par Patout, Pacon, Bouwens de Boisjen et Expert ouvrent l’ère du gigantisme naval. Pour les catégories supérieures, chaque cabine était unique et confiée à un grand nom, comme Jules Leleu ou Louis Süe. Un fauteuil de Pierre Patout, une chauffeuse de Jean-Maurice Rothschild, des études de Jean Bouchaud et Georges Lepape, des panneaux décoratifs de Jean Dunand et Jean Dupas illustrent l’ambition de cette entreprise.
Plus loin, dans la section consacrée au “style paquebot”, il apparaît néanmoins que le Normandie n’était déjà plus à la pointe de la modernité. Les propositions de meubles encastrables en acier que l’Union des artistes modernes avait exposées au Salon d’automne de 1934 furent rejetées. C’est seulement après la guerre, quand les secondes classes gagnent en importance, que les notions de confort, d’hygiène, de sécurité et de facilité d’entretien primeront sur le luxe spectaculaire. Le France (1962) combine ainsi ces nouvelles préoccupations avec des matériaux résolument de son époque – l’aluminium, le plastique, le skaï et le Formica –, simplement rehaussés de laques et de tapisseries d’Aubusson, alors considérés comme des signes distinctifs de la décoration à la française. Jusqu’à son dernier bâtiment, bientôt converti en paquebot de croisière, la Compagnie générale transatlantique joue ainsi pleinement son rôle d’“ambassadeur du bon goût français”.
Jusqu’au 16 juin, Musée des années trente, 28 avenue André-Morizet, 92104 Boulogne-Billancourt, tél. 01 55 18 53 70, tlj sauf lundi, mar. 12h-18h, mer. et sam. 10h-18h, jeu. 14h-20h, ven. 14h-18h, dim. 13h-18h. Catalogue édité par l’Écomusée de Saint-Nazaire, 96 p., 120 F.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Boulogne trouve son cap
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°81 du 16 avril 1999, avec le titre suivant : Boulogne trouve son cap