Avant la grande exposition monographique qui sera organisée à Rome puis à Vienne, Lugano a souhaité apporter sa contribution au quatre centième anniversaire de Francesco Castelli, dit Borromini (1599-1667), originaire du Tessin, avec une évocation des années de formation de l’architecte. De son apprentissage comme tailleur de pierre à la construction de son premier chef-d’œuvre, Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines.
LUGANO. “Chaque élément est mis en œuvre de telle façon qu’il vienne compléter le suivant, et l’œil du spectateur est invité à parcourir sans fin cet espace”, écrivait le procurateur général de l’ordre des Jésuites, alors que Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines n’était pas encore achevé. La construction de cette église à Rome marque incontestablement une rupture dans l’histoire de l’architecture. Alors que même Bernin reste fidèle à la conception anthropomorphique, mise en œuvre depuis Brunelleschi, Borromini abandonne le principe consistant à multiplier ou à diviser une même unité arithmétique de base pour obtenir le plan au sol. Chez l’architecte tessinois, au contraire, “le plan d’ensemble résulte de la division d’une figure géométrique homogène en sous-unités géométriques”, notait l’historien Rudolf Wittkower ; il concluait que l’approche de Borromini était “essentiellement médiévale”. La formation dans la tradition des maçons du Nord, et plus particulièrement de Lombardie, n’est pas étrangère à cette manière d’envisager la construction. L’exposition mettra justement l’accent sur ces années de formation, à travers dessins, gravures, portraits, maquettes, manuscrits... Cette époque le voit travailler sur le chantier du Duomo, à Milan, avant de rejoindre Rome, où son parent Carlo Maderno, l’architecte de la façade de Saint-Pierre, le prend sous sa protection. Pendant dix ans, il travaille comme tailleur de pierre sur le chantier de la basilique, assiste Bernin pour le Baldaquin, tandis que Maderno met à profit ses talents de dessinateur d’architecture pour le palais Barberini ou Sant’Andrea della Valle.
Son premier chantier
En 1634, alors qu’il est déjà âgé de trente-cinq ans, l’ordre espagnol des Trinitaires déchaux lui confie son premier chantier personnel, le monastère de Saint-Charles-aux-Quatre-Fontaines. Sur une parcelle étroite au contour irrégulier, il doit édifier un dortoir, un réfectoire, un cloître et une église. L’ensemble, à l’exception de la façade, est achevé en 1641. Dans le cloître, il remplace les angles par des courbes convexes, conférant à ce morceau d’architecture une sorte de mouvement continu, le même que l’on observe à l’intérieur de l’église. Le parti que Borromini a su tirer de l’exiguïté du lieu pour donner malgré tout au fidèle un sentiment d’espace est proprement confondant. Pour que le visiteur de l’exposition ne connaissant pas cette église l’éprouve à son tour, l’architecte Mario Botta a fait construire, sur les rives du lac, à l’échelle réelle, une section du modello de l’église.
5 septembre-14 novembre, Museo cantonale d’arte, 10 via Canova, CH-6900, Lugano, tél. 41 91 910 47 80, tlj sauf lundi, 10h-18h, mardi 14h-17h. Catalogue, vol. 1, Skira, 360 p., 55 FS.
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Borromini le bizarre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°87 du 27 août 1999, avec le titre suivant : Borromini le bizarre