Boris Taslitzky, du traumatisme à l’engagement

Tandis que l’on connaissait les visions infernales d’amas de corps, dignes d’un univers dantesque, le parcours du peintre restait jusqu’alors dans l’ombre. Cette exposition a le mérite de balayer l’ensemble de sa carrière et d’en révéler la profonde continuité. De son adhésion au parti communiste en 1935 jusqu’à son engagement politique contre le colonialisme en Indochine et en Algérie, en passant par la défense de la cause des ouvriers de Denain, Taslitzky, à l’instar des photo-reporters de guerre, témoigne des bouleversements socio-politiques du XXe siècle. Mais pas seulement. Romantique et révolutionnaire, ce brillant dessinateur réalise aussi bien des croquis sur le vif, lors de sa déportation au camp de Buchenwald en 1944, que des portraits à l’intimité touchante, ou encore des toiles monumentales, s’ancrant dans une peinture d’histoire, tout en accentuant la dramatisation de ces scènes de boucheries humaines. Un réalisme cru et macabre, proche de son contemporain David Olère, le dispute à une esthétique expressionniste oppressante, faite de couleurs criardes pour suggérer la violence et l’absurdité de visions hallucinantes. Trouvant un écho particulier dans l’actualité, au regard des origines ukrainiennes du père de l’artiste, réfugié en Russie, l’exposition aurait largement pu se passer du contrepoint final et laisser le spectateur juger par lui-même.