À l’occasion du quatrième centenaire de sa naissance, deux manifestations rappellent la place éminente de Bernin dans l’art européen : à Rome, une exposition autour de ses premières œuvres, à la Villa Borghèse, et aux États-Unis, l’inauguration par le Fogg Art Museum de Cambridge d’une galerie permanente consacrée au Baroque italien.
ROME. Pour cet anniversaire, la première exposition consacrée à Bernin par son pays natal se tient à la Galerie Borghèse, à Rome, autour de ses œuvres de jeunesse. À la demande du cardinal Scipion Borghèse, neveu du pape Paul V, il avait sculpté, entre 1620 et 1624, les trois célèbres groupes mythologiques, Énée et Anchise, l’Enlèvement de Proserpine et Apollon et Daphné, auxquels s’est ajoutée la figure de David, prêt, dans une grimace, à lancer son projectile vers Goliath. Toutes ces scènes sont saisies à un moment particulièrement dramatique, et le marbre traité avec une sensibilité jamais égalée. Ainsi, Daphné est-elle représentée à l’instant où, rattrapée par Apollon, son corps commence sa métamorphose en laurier. Ces sculptures constituent le premier sommet d’une carrière riche en chefs-d’œuvre et marquent les véritables débuts de l’art baroque. Autour, sont rassemblés d’autres marbres nés sous l’impulsion des Borghèse, tels le Saint Laurent des Offices, à Florence, l’Âme bienheureuse et l’Âme damnée, de l’ambassade d’Espagne près le Saint-Siège, ou le célèbre Hermaphrodite du Louvre. Pour ce précieux antique, le cardinal avait commandé au jeune Bernin le matelas sur lequel le personnage est étendu. Dans la seconde partie de l’exposition, l’œuvre sculpté du Bernin, complété par une galerie d’autoportraits, est mise en relation avec la peinture de Giovanni Lanfranco, l’autre inventeur du Baroque. Dans les mêmes années où le sculpteur travaillait à la Villa Borghèse, cet artiste parmesan a peint à fresque, sur le plafond de la loggia du premier étage, le Conseil des Dieux, élaborant pour l’occasion un langage original, à l’origine d’importants cycles picturaux de l’âge baroque. À l’occasion de l’exposition, a été reconstitué dans cette salle le cycle réalisé par Lanfranco pour la chapelle du Très-Saint Sacrement, dans l’église romaine de Saint-Paul-hors-les-murs, et dispersé depuis.
Une galerie de terres cuites
De son côté, le Fogg Art Museum de Cambridge, dans le Massachusetts, célébrera désormais le Bernin en permanence. Il vient d’inaugurer une nouvelle galerie dans laquelle sont exposées vingt-sept études en terre cuite (bozzetti) du Baroque italien, dont quatorze sont du Bernin et les autres de collaborateurs ou de suiveurs, comme Melchiorre Caffà et Camillo Rusconi. Les esquisses du Bernin constituent l’ensemble le plus important du sculpteur et couvrent l’ensemble de sa carrière. Comportant plusieurs études préparatoires pour la même œuvre – ébauches, mais aussi modèles soignés pour la présentation au commanditaire –, cet ensemble documente bien son activité créatrice et sa manière de travailler, depuis l’idée initiale jusqu’à l’œuvre achevée. Un travail qui se lit aussi, compte tenu du matériau, dans les empreintes de doigts et les traces des instruments métalliques employés. Le musée a acquis en 1937 ces vingt-sept sculptures issues de la collection Edward D. Brandegee, de Brookline, qui lui-même les tenaient de Giovanni Piancastelli, futur conservateur de la Galerie Borghèse. Il s’agit d’études pour quelques-unes des œuvres les plus importantes de Bernin : la Chaire, le Saint Longin et l’Autel du Très-Saint Sacrement de Saint-Pierre-de-Rome ; l’Ange à la couronne d’épines de l’église Sant’Andrea delle Fratte et ceux du pont Saint-Ange ; le Saint Jérôme pénitent de la chapelle Chigi, dans la cathédrale de Sienne ; ou encore un des hauts-reliefs représentant des membres de la famille Cornaro, pour la chapelle homonyme de Santa Maria della Vittoria.
BERNIN SCULPTEUR ET LA NAISSANCE DU BAROQUE À LA VILLA BORGHÈSE, jusqu’au 20 septembre, Galerie Borghèse, Rome, té. 39 6 854 85 77, tlj sauf lundi 9h-12h
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Bernin, 400 ans après
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°61 du 22 mai 1998, avec le titre suivant : Bernin, 400 ans après