Oubliés depuis plus d’un demi-siècle dans les archives de la police néerlandaise, les vestiges d’une exposition organisée en 1936 à Amsterdam en signe de protestation contre les Jeux olympiques de Berlin ont été retrouvés. Ils sont présentés, jusqu’à la fin du mois, dans la capitale de l’Allemagne réunifiée.
BERLIN (de notre correspondant) - Intitulée "DOOD : "De Olympiade onder dictatuur", soit "Les Olympiades sous la dictature", avec un jeu de mots sur dood, qui signifie "mort" en hollandais –, l’exposition d’Amsterdam fut organisée parallèlement aux Jeux olympiques de 1936 comme contre-offensive aux "Olympiades des beaux-arts" qui se tenaient alors à Berlin, parallèlement aux manifestations sportives.
Cent cinquante artistes envoyèrent à la "contre-exposition" néerlandaise plus de trois cents œuvres, fortement marquées par le Réalisme et peu en rapport avec les jeux olympiques ou le sport en général. L’exposition originale, à la différence de la reconstitution actuelle, s’ouvrait par une section documentaire dénonçant la terreur exercée par le Troisième Reich, riche en dessins satiriques, caricatures et photomontages, dont ceux de John Heartfield, Berlinois et ami intime de Georg Grosz.
Depuis 1935, la citoyenneté allemande était refusée aux juifs, à qui toute participation aux manifestations officielles était interdite. En théorie, aucun juif ne pouvait donc disputer les jeux. Une interdiction édictée en totale contradiction avec les principes fondamentaux du Comité olympique international, qui n’admettent aucune distinction de race entre les athlètes. Pour éviter le boycott des jeux des Américains, les autorités nazies furent obligées de tolérer certaines exceptions : le cas de la fleurettiste Helene Meyer est resté célèbre.
Dix jours de prison
À Amsterdam, les œuvres de Max Ernst, du photographe Robert Capa, de Fernand Léger, Max Lingner, Lucien Pissarro (le fils de Camille), David Low et Otto Froelich n’eurent pas l’effet escompté : aucun pays ne boycotta les jeux de Berlin. Au contraire, elles attirèrent l’attention de la diplomatie nazie, qui estima l’exposition particulièrement offensante pour l’État allemand et réussit à faire écarter les œuvres jugées les plus inopportunes. Pire, sous la pression des autorités, l’exposition fut fermée au mois d’octobre 1936, et ses organisateurs furent mêmes condamnés à dix jours de prison…
Du 15 novembre au 26 janvier 1997, à la Haus der Geschichte der Bundesrepublik, à Bonn, une exposition à caractère historique documentera les divers aspects des Olympiades de 1936 : le sport comme moyen de propagande, la manipulation des jeux à travers les médias, les organisations sportives de jeunesse utilisées à des fins paramilitaires…
DOOD : De Olympiade onder dictatuur (Les Olympiades sous la dictature. Art et résistance. Reconstitution des Olympiades de l’art organisées à Amsterdam en 1936), jusqu’au 29 septembre, Palais Ephraim, Poststrasse 16, Berlin, tél. (49) 30 23 80 900, tlj auf lundi 10h-18h.
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Berlin : Olympiades et dictature
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°28 du 1 septembre 1996, avec le titre suivant : Berlin : Olympiades et dictature