BARCELONE / ESPAGNE
L’exposition barcelonaise confronte des œuvres du XXe siècle issues de la collection Bassat aux sculptures anciennes.
Barcelone. Le Musée Frederic-Marès expose vingt-cinq sculptures de la collection d’art catalan de Carmen et Lluís Bassat. Des œuvres de grands artistes modernes tels que Joan Miró (1893-1983), Julio González (1876-1942), Eduardo Chillida (1924-2002) et Manolo Valdés (né en 1942) rencontrent des sculptures des siècles passés, de l’époque médiévale, de la Renaissance et du baroque en particulier, réunies par le sculpteur et collectionneur Frédéric Marès (1893-1991).
Certains liens se créent entre des sujets semblables peints à différentes époques, soulignant la divergence des sensibilités plastiques, du choix du matériau à l’aspect formel du sujet. Le parallèle entre le Mini David en bronze argenté de Miguel Ortiz Berrocal (1933-2006) et le Torse de Vénus en marbre blanc du IIe siècle apparaît à la fois dans la forme – deux torses humains sans bras, ni tête, ni jambes – et dans le choix du sujet classique du modèle masculin. Le matériau brillant ainsi que l’indifférence quant aux proportions et à l’échelle humaine du torse indiquent néanmoins des signes évidents de l’époque contemporaine d’Ortiz Berrocal.
D’autres œuvres modernes sont, au contraire, volontairement proches d’un point de vue formel des sculptures anciennes, telle la Dame des guêpes de Gerard Mas (2009) qui s’approprie l’esthétique médiévale des bustes en bois polychrome du XVIe siècle, bien qu’elle soit réalisée en résine polyester polychrome, matériau caractéristique de la seconde moitié du XXe siècle. Quelques « confluences » présentent néanmoins un lien moins évident entre deux œuvres, ce qui rend ce dialogue, pourtant si intrigant entre ces œuvres de différents siècles, moins pertinant, comme le bronze L’Oiseau en vol de Perecoll(1983) et Les Enfants jouant avec un papillon d’Antoni Solà (1839).
La collection du musée, particulièrement dense, n’offre pas vraiment un cadre idéal pour la présence de toutes les pièces d’art moderne. Quelques œuvres de la collection Bassat peinent à trouver leur place, malgré leurs qualités esthétiques, notamment la Tête double tête de Julio González (1934-1936) ou la Femme allongée de Henry Moore (1980). Pour pallier cela, des socles aux couleurs vives ont été installés afin de distinguer les pièces récentes. Un choix scénographique discutable qui perturbe parfois l’appréciation de l’œuvre alors que, dans l’ensemble, la présentation élégante et esthétique met bien en valeur certaines pièces, telles la Reina Mariana II de Manolo Valdés (1999) qui trône en majesté devant l’impressionnant polyptyque de la vie de sainte Claire (1500, voir ill.), et la Lune paresseuse de Xavier Corberó (1982) dont le demi-cercle s’accorde à celui du retable de la Vierge miséricordieuse du XVIe siècle.
L’exposition permet également de découvrir des sculptures méconnues d’artistes célèbres, telle que Constellation silencieuse de Joan Miró (1970), qui donne au sujet de prédilection de l’artiste une esthétique plus froide qu’à son habitude, due à la monochromie du bronze.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°604 du 3 février 2023, avec le titre suivant : Au Musée Frédéric-Marès, le moderne rencontre l’ancien