Ces dernières années on a redécouvert les talents de la peintre anglaise Bridget Riley. Après une exposition historique orchestrée par la DIA Foundation de New York en 2000 avec une belle sélection de toiles des années 1960 et 1970, la Tate Britain rend à son tour hommage à cette artiste qui jamais ne s’est lassée des effets visuels de l’Op Art. Lancée par la grande exposition-phénomène du MoMA de 1965, « The Responsive Eye », qui regroupait quatre-vingt-treize artistes et cent vingt-trois œuvres du genre, Bridget Riley s’est pourtant très vite retranchée dans la discrétion. Tout est parti d’un malentendu à la suite d’un article paru dans Life en 1964.
À cette époque Riley peint des tableaux optiques exclusivement en noir et blanc. L’impact visuel est indéniable, hallucinant, forcément séduisant et populaire. La mode s’empare de ses créations et
les plagie allègrement pour orner les vitrines de la 5e avenue. Pour une artiste aussi rigoureuse que Riley, l’entreprise dénature son art. Elle fuit alors les avances médiatiques et poursuivra dans l’ombre ses incursions dans les méandres des surfaces et des impressions. Illusionniste de talent, elle peint des toiles toujours plus monumentales où la couleur a repris ses droits. Jusqu’à aujourd’hui, la carrière de Riley est restée florissante et régulière, mais très discrète malgré quelques coups d’éclats comme ce prix international de peinture de la Biennale de Venise qui la récompensa pour le pavillon de la Grande-Bretagne en 1968. Réévaluant constamment un art aujourd’hui hors des modes mais toujours apprécié, elle ne s’est jamais départie de ses choix pour maintenir ces recherches visuelles diablement vivantes et passionnantes. Chacune des soixante exposées met l’œil en danger. Les surfaces s’animent avec une sobriété et une rigueur tranchantes. Beaucoup moins « pop » que les œuvres de Vasarely, les variations de Riley s’attachent à sculpter l’espace optique, à faire de la perception un médium à part entière. Rythmes, collisions de couleurs et ordres des lignes, sa peinture est obsessionnelle sans curieusement être répétitive mais toujours éprouvante physiquement. L’inconfort perceptif savamment contrôlé mais perturbant, fait basculer le regard dans une danse endiablée et hypnotique.
Si la « consommation » de Bridget Riley doit rester raisonnable pour être pleinement appréciée, on ne saurait que trop conseiller cette expérience visuelle intense où le premier rôle est attribué à l’œil grâce au talent de cette lady septuagénaire à l’enthousiasme intact.
« Bridget Riley », LONDRES (G.-B.), Tate Britain, Millbank, tél. 020 7887 8000, jusqu’au 28 septembre.
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Attention les yeux
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°550 du 1 septembre 2003, avec le titre suivant : Attention les yeux