PARIS
Élève de Falguière, praticien et collaborateur de son ami Rodin dont il subit un temps l’influence, Antoine Bourdelle se forge très vite un style personnel par une sculpture faite de larges pans vigoureusement taillés, de volumes simplifiés et de rigueur architecturale.
Un art puissant empreint d’un certain archaïsme que d’aucuns lui reprochaient. Avec Héraklès archer réalisé en 1909, il connaît un succès retentissant qui lui ouvre les portes de la renommée internationale. Mort en pleine gloire, en 1929, il avait transmis sa conception de la sculpture à des élèves de la Grande Chaumière, où il enseignait depuis 1909. Il aura passé ainsi vingt années de sa vie à prodiguer des conseils pratiques à plusieurs centaines de jeunes artistes qui se pressent alors dans les locaux de l’académie pour s’initier à la sculpture d’après modèle. En plongeant le visiteur au cœur des différents processus de création à travers cent soixante-cinq œuvres (photos, sculptures, dessins et documents), l’exposition met en lumière ces visages qui peuplaient l’atelier de Montparnasse, dans une parité hommes/femmes étonnante pour l’époque. Elle explore les liens parfois complexes qui se tissent entre le maître et les élèves, leurs trajectoires, la fidélité à son enseignement ou son rejet violent. Une dizaine d’élèves de différentes nationalités sont ainsi présentés, parmi lesquels figurent des artistes aussi réputés que Hajdu, Giacometti et Germaine Richier. Dans la salle consacrée aux deux derniers, on découvre de rares études de nus d’après modèle de Giacometti datant de ses années de formation dans l’atelier. La difficulté qu’il ressent devant le modèle lui fait expérimenter de nouvelles voies d’expression qui l’éloignent progressivement de l’enseignement du maître. Tout en prenant ses distances avec le travail d’après nature, il garde toutefois la figure humaine au cœur de son travail. Nonobstant, ses figures en plâtre ou en bronze sont les héritières des idoles archaïques que Bourdelle aimait à désigner à ses élèves. À contrario, Germaine, la seule élève particulière d’Antoine Bourdelle, découvre l’art du modelage d’après le modèle vivant qui donnera une inflexion décisive à sa pratique. Ainsi, à l’issue de sa formation, elle s’inscrit dans le sillage de Bourdelle, contrairement à Giacometti. Riche et foisonnant parcours.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°718 du 1 décembre 2018, avec le titre suivant : Antoine Bourdelle, idole des jeunes