Anna Boch, peintre et collectionneuse belge

Ostende, Belgique. Station balnéaire située à une encâblure de Bruges, Ostende ne se distingue pas uniquement par sa magnifique plage sur la mer du Nord. Elle est aussi le lieu de naissance des peintres James Ensor (1860-1949) et Léon Spilliaert (1881-1946). Ces deux artistes phares du Kunstmuseum aan Zee (« le musée d’art à la mer »), autrement nommé Mu.ZEE, partagent en ce moment l’engouement du public avec une artiste belge de la génération qui a précédé la leur. Avantagée par sa fortune – elle est l’une des héritières de l’empire Villeroy & Boch –, Anna Boch (1848-1936) cultive son tempérament artistique dans la peinture et la musique, son goût de la collection et sa passion pour les voyages. Elle peint ainsi la Bretagne et le Musée de Pont-Aven l’exposera en 2024.

En France, on connaît mieux le peintre Eugène Boch (1855-1941), un frère dont elle est très proche. Celui-ci s’installe à Paris en 1879, devenant l’ami et le collectionneur d’Émile Bernard, de Paul Gauguin et surtout de Vincent Van Gogh dont le Portrait d’Eugène Boch (1888) a été légué en 1941 par le modèle aux collections nationales françaises. Avec son fond étoilé, il rayonne dans l’exposition parmi les 150 œuvres rassemblées par la commissaire, Virginie Devillez. En 1890, Anna Boch elle-même acquiert le seul tableau de Van Gogh dont on est sûr qu’il l’a vendu de son vivant, La Vigne rouge à Montmajour (1888) aujourd’hui conservé au Musée Pouchkine de Moscou.

Collectionneuse dès les années 1870, Anna Boch ne possède que des œuvres de ses contemporains, qu’ils aient été ses professeurs ou des membres de son entourage artistique : elle est notamment la seule femme des cercles belges, le Groupe des Vingt (ou Les XX) et La Libre Esthétique. Elle est ainsi en contact permanent avec l’avant-garde artistique : c’est à l’exposition des XX qu’elle choisit des œuvres de Paul Gauguin et Georges Seurat. Elle-même montre aussi son travail au Salon des artistes indépendants, à Paris, où elle fait d’autres rencontres. En 1891, elle fait l’acquisition d’un second Van Gogh, Plaine de La Crau avec pêchers en fleurs (1889) – elle revendra les deux en 1907 pour acheter Saint-Tropez. La calanque de Paul Signac (1906) – et commande un paravent à Émile Bernard.

Reconnue pour sa fibre sociale, qui la pousse à s’intéresser aux ouvrières de la faïencerie Boch et à représenter dans ses œuvres la vie quotidienne des paysannes et des femmes de pêcheurs, l’artiste fait bénéficier les musées d’une partie de sa collection : elle donne dès 1927 La Musique russe de James Ensor (1881) aux Musées royaux des beaux-arts de Belgique auxquels elle lègue par son testament de 1935 Bords de la Seine à l’île de la Grande-Jatte de Georges Seurat (vers 1887), le Saint-Tropez de Signac et Conversation. Bretagne de Paul Gauguin (1888). Dans son œuvre, elle n’est que brièvement tentée par le divisionnisme et se tient éloignée du fauvisme. Son sens de la couleur et sa liberté de touche évoquent la séduction discrète d’un Armand Guillaumin.