Confronté à Monet et Van Gogh, le trop peu connu maître des paysages retrouve sa place aux racines du mouvement au Musée Van Gogh.
AMSTERDAM - « L’oncle m’a appris que Daubigny était mort. J’admets franchement qu’entendre cette nouvelle m’a attristé […] Le travail de tels hommes, si on le comprend, vous change plus profondément qu’on ne le croit. Ce doit être si bon, quand on meurt, de savoir qu’on a vraiment accompli une ou deux choses et qu’à cause de cela, on continuera à vivre dans la mémoire d’au moins quelques personnes, et qu’on a laissé un bon exemple à ceux qui viendront plus tard. » Dans cette lettre à son frère Théo, datée du 3 mars 1878, Vincent Van Gogh rendait hommage à Charles François Daubigny (1817-1878), l’un des peintres français les plus connus des trente années qui venaient de s’écouler, non seulement en France, mais aussi en Grande-Bretagne, en Hollande et aux États-Unis. Ce n’est donc pas un hasard si l’exposition présentée au Musée Van Gogh d’Amsterdam a été coorganisée par le Taft Museum of Art de Cincinnati et la Scottish National Gallery d’Edimbourg.
« Cette exposition veut rétablir l’équilibre », explique Axel Rüger, le directeur du Van Gogh Museum, rappelant que si le peintre hollandais, mort dans l’indifférence, est aujourd’hui l’un des hommes les plus célèbres au monde, Charles François Daubigny est désormais inconnu du grand public. Et le musée hollandais se sent concerné, non seulement parce que Daubigny fut l’un des inspirateurs de Van Gogh, mais aussi parce que six de ses toiles exposées proviennent de la collection du peintre Willem Mesdag, présentée à La Haye mais appartenant au Musée Van Gogh d’Amsterdam.
Grands formats et bateau-atelier
Équilibrée, cette exposition l’est parfaitement en accordant la plus grande place à Daubigny, trop peu connu. Destinée à montrer ce que la peinture impressionniste de paysage lui doit, mais aussi l’influence que la nouvelle école a eue sur le vieux maître, elle rassemble trente-huit de ses toiles et une quarantaine d’œuvres sur papier. Elle débute par quatre huiles mettant en évidence l’évolution de sa technique vers une liberté de touche, qui a fait dire à la critique que ses œuvres présentées au Salon étaient de moins en moins finies. Il utilisait pour ses paysages des grands formats, alors considérés comme réservés à la peinture d’histoire, comme en témoigne Le Lever de lune à Auvers, présenté au Salon de 1877. Bien que ce tableau ait été trop grand pour être peint en plein air, la technique est celle que Daubigny pratiquait dans ce cadre (notamment la peinture au couteau) dès 1851. Les thèmes chers à l’artiste sont ensuite développés, très vite enrichis de comparaisons avec l’œuvre de Monet. Celui de l’eau et de la lumière, du soleil ou de la lune se réfléchissant sur elle est très présent. Ainsi, Coucher de soleil près de Villerville (vers 1876) de Daubigny est présenté près de Coucher de soleil sur la Seine à Lavacourt, effet d’hiver (1880) de Monet. Les voyages aux Pays-Bas des deux artistes sont naturellement mis en valeur et aussi leur choix de peindre à bord d’un bateau, les œuvres étant présentées autour d’une évocation grandeur nature du Botin, l’embarcation-atelier de Daubigny.
C’est seulement à l’étage supérieur qu’apparaît Van Gogh. Sa première toile présentée est Le Jardin de Daubigny (1890), un motif qu’il a peint deux fois à Auvers. L’exposition ne montre que huit de ses œuvres, les visiteurs pouvant en voir de nombreuses dans les salles voisines du musée. Mais ce qu’il doit à Daubigny apparaît bien : tout comme Monet, il a peint les vergers en fleurs, les champs de coquelicots ou de blé qu’affectionnait leur prolifique aîné.
Très complet, le catalogue fait le point sur la peinture de Daubigny et sur ses rapports avec la génération suivante. Plusieurs auteurs y insistent sur le fait que le mot « impression » a d’abord, et plusieurs fois, été prononcé par la critique à propos des œuvres de Daubigny, dans les années 1850. Maite Van Dijk, conservatrice des peintures au Van Gogh Museum et à la Collection Mesdag, rappelle que Daubigny acheta en 1871 un tableau de Monet, La Zaan à Zaandam (1871) : déjà, les Pays-Bas les liaient déjà.
Commissaire : Lynne Ambrosini, Taft Museum de Cincinnati ; Michael Clarke, Frances Fowle, National Galleries of Scotland, Nienke Bakker, Maite van Dijk, Van Gogh Museum d’Amsterdam.
Nombre d’œuvres et documents : 105
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À Amsterdam, Daubigny, précurseur de l’impressionnisme
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 29 janvier, Musée Van Gogh, Museumplein 6, Amsterdam (Pays-Bas), tous les jours 9h-18h, vendredi 9h-22 heures, www.vangoghmuseum.nl, entrée (avec le musée) 17 €. Catalogue (en néerlandais ou en anglais) éd. Van Gogh Museum, 24,95 €
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°468 du 25 novembre 2016, avec le titre suivant : À Amsterdam, Daubigny, précurseur de l’impressionnisme