Durant le tournage d’Il était une fois en Amérique (1984), Sergio Leone avait pris l’habitude de diffuser sur le plateau de la musique. En l’occurrence celle de son compositeur attitré Ennio Morricone.
PARIS - La méthode des deux complices était toujours la même : Sergio parlait d’une idée de film à Ennio, lequel écrivait les grands thèmes de la bande originale d’un film dont le tournage n’avait pas démarré. Pas le moins du monde dérouté, Robert de Niro a même dit que la musique l’aidait à se concentrer pour donner le meilleur de son personnage. Quitte à éliminer tous les sons de la scène tournée et la doubler de sa propre voix en salle de mixage. « Musique & cinéma. Le mariage du siècle? », à la Cité de la musique à Paris, regorge d’anecdotes levant le voile sur les liens devenus indéfectibles entre image et son. Conçu avec le grand public en tête, le parcours de l’exposition déroule une typologie de ces bandes originales ; allant de la partition qui inspire un film (Un Américain à Paris de George Gershwin, puis de Vincente Minnelli), de l’œuvre d’art total qui résulte d’une amitié entre deux maîtres (David Lynch et Angelo Badalamenti ; David Lean et Maurice Jarre…), du choix de morceaux préexistants (et parfois anachroniques comme la musique pop du Marie-Antoinette de Sofia Coppola), ou encore de thèmes joués dans le film, tel le duel banjo-guitare de Délivrance de John Boorman (1972) qui, quarante ans plus tard, n’a pas perdu de sa puissance anxiogène.
Un mariage fécond
Le parcours ne se préoccupe pas de savoir laquelle de ces combinaisons est la plus valable, il témoigne des forces décuplées qu’une œuvre peut acquérir une fois que le 4e et le 7e art se rencontrent et s’accordent. Car dans un film, « la musique est faite pour être entendue, même si on ne l’écoute pas ».
Les cinéphiles et spécialistes n’apprendront certes pas grand-chose, mais ils ne bouderont pas leur plaisir à découvrir des extraits de films célèbres habillés de compositions commandées, mais pas utilisées (2001. L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick), ainsi que des interviews souvent inédites de cinéastes et de compositeurs. Mention spéciale à la scénographie, qui multiplie les clins d’œil au 7e art, avec chaises de réalisateurs et flight cases (caisses de transports de matériels noires profilées en aluminium), et sait varier avec inventivité les postes d’écoute et de visionnage. Si l’exposition fait un choix en se concentrant sur le cinéma européen et américain, en ne faisant que de brèves allusions au cinéma asiatique et indien, elle se fait miroir de l’absence criante de femmes aux commandes, révélatrice d’un sexisme encore très efficace tant derrière la caméra que derrière le pupitre de chef d’orchestre.
Commissaire : N. T. Binh, critique, réalisateur et enseignant de cinéma à l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne
Scénographie : Clémence Farrell
Jusqu’au 18 août, Cité de la musique, 221, avenue Jean Jaurès, 75019 Paris, tél. 01 44 84 44 84, mardi-jeudi 12h-18h, vendredi-samedi 12h-22h, le dimanche 10h-18h, ouverture exceptionnelle jusqu’à 20h les soirs des concerts du cycle Musique & Cinéma, www.cite-musique.fr. Catalogue, coédité par la Cité de la musique et Actes Sud, 352 pages, 39 €
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Abonnez-vous dès 1 €Charles Chaplin dirigeant les musiciens pour l'enregistrement de la musique de son film Un Roi à New York le 21 juin 1957 au Palais de la Mutualité à Paris - © Photo Rue des Archives/AGIP.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°394 du 21 juin 2013, avec le titre suivant : Accords majeurs