Laurent Grasso - Prix Marcel-Duchamp 2008

Avec The Horn Perspective, ce plasticien, aimant mêler dans son travail connaissances scientifiques, fiction et réalité, crée un dispositif, constitué d’installations, d’objets et d’une vidéo sur grand écran, cherchant à ébranler les certitudes du visiteur. On peut lire ceci dans le dépliant de l’expo : « S’agit-il d’un événement réel ou d’une pure fiction ? Telle est l’indétermination où nous plonge ce dispositif. »

Soyons francs, cela marche plus ou moins bien. Disons que si l’on fait l’effort d’entrer dans l’univers de Grasso, passionné par les aurores boréales et la surveillance planétaire des télécommunications, on peut voir cette exposition comme un voyage attrayant dans les contrées de l’incertitude mais, si l’on n’est pas forcément au départ très au fait de l’imaginaire rétro-futuriste de l’artiste (il se passionne pour la Horn Antenna de Bell Telephone Laboratories qui, dans les 60’s, captait des ondes électromagnétiques témoignant du Big Bang), on risque de trouver ce dispositif un peu trop hermétique – ce qui est mon cas. Pourtant, l’accompagnement pédagogique est là (vidéo à l’entrée présentant un entretien avec Grasso, plaquette informative gratuite, présence de livres consacrés à l’artiste sur une table basse), et la scénographie, raffinée, nous plongeant dans une obscurité propice au doute, ne manque aucunement de séduction. Néanmoins, deux choses me gênent ici. Premièrement, la recherche, semble-t-il, de « l’œuvre d’art totale » ne parvient pas vraiment à convaincre. Je trouve que chaque pièce, isolément, marche (le film-travelling présentant un vol d’étourneaux (?) en forêt est superbe), mais qu’on n’arrive pas à croire aux connexions, souhaitées, entre les différentes pièces. Par exemple, contrairement à ce qu’affirme le support d’aide à la visite, je ne trouve pas que les installations-antennes exposées « semblent émettre les images et les sons diffusés sur l’écran de projection et par les enceintes fixées aux murs. » Désolé, je n’y crois pas. Chaque pièce, en soi, est intéressante, que ce soit un tableautin kitsch présentant une aurore boréale, les grands baffles revisitant le design moderniste des films de SF à la Tarkovski ou la vidéo se faisant chant d’oiseau, mais la combinaison, recherchée entre ces différents objets, ne prend pas vraiment. Deuxièmement, avouons-le, The Horn Perspective souffre de la proximité avec l’expo voisine, celle de Parreno dans la galerie Sud : on y retrouve, à peu de choses près, le même dispositif minimal, la même tentation du cinéma et la même rétention d’objets cherchant à faire primer l’expérience sur la fabrication pérenne - quelque part, on se dit alors que le copier-coller n’est pas très loin.