Laboratoire central, un accrochage de la collection

Profitant de l’itinérance d’une grande partie des collections (en vue de préparer l’extension et la rénovation de l’Hôtel Salé), Anne Baldassari propose au visiteur un parcours transversal éclairant le processus créateur du maître espagnol. Car si le touriste de passage peut se sentir frustré de ne pas contempler tel ou tel chef-d’œuvre, l’habitué du lieu découvre un musée Picasso « bis » tout à fait stimulant. Echappés du « purgatoire » des réserves, toiles, gravures, études préparatoires, carnets de croquis, maquettes et photographies nous dévoilent ainsi un génie protéiforme expérimentant sans cesse formes nouvelles et matériaux inédits. Comme si chacune de ses « périodes » écrivait, à elle seule, une page entière de l’histoire de l’art.

Si les premières salles mettent en lumière la dette de Picasso envers l’expressionnisme d’un Van Gogh ou le primitivisme d’un Gauguin, la suite du parcours montre à quel point la révélation de l’art « nègre » et de l’art ibérique a préparé la révolution cubiste. L’occasion est ainsi offerte au public de découvrir des esquisses pour les « Demoiselles d’Avignon » rarement exposées, ou bien encore d’admirer quelques pièces primitives ayant appartenu au maître. Véritables « trompe-l’esprit », les premiers assemblages et papiers collés séduisent, quant à eux, par leur humour et leur caractère subversif, et annoncent, à bien des égards, « les maléfices des peintures cousues et cloutées », telles ces deux grandes « Guitares » de 1926 magnifiquement juxtaposées. Aux toiles austères et quasi monochromes de l’entre-deux-guerres, succède alors la joie de vivre des années cinquante et son bestiaire merveilleux fait de détournement et de récup’. Papiers découpés photographiques, céramiques dionysiaques et variations de linogravures achèvent cette irruption jubilatoire dans le « laboratoire » picassien.