26 jan. - 18 avr. 2008
Royaume-Uni / Londres
Royal Academy of Arts
Chefs-d'œuvre de la peinture française et russe de 1870 à 1925 des musées de Moscou et de Saint-Pétersbourg
Occasions manquées ?
L’exposition « De Russie : maîtres français et russes de Moscou et Saint-Pétersbourg, 1870-1925 », dont l’épisode anglais a pris en décembre 2007 des dimensions diplomatiques (lire L’œil n° 599), montre quelques-uns des trésors de l’art français conservés par quatre musées russes : Pouchkine et Tretiakov à Moscou, l’Ermitage et le Musée russe à Saint-Pétersbourg.
Mais voilà, dans ce « quelques-uns » réside à la fois toute la force et la faiblesse de l’exposition. Car s’il était inimaginable de faire voyager la totalité des collections Chtchoukine et Morozov, la sélection des œuvres présentées paraît cependant bien aléatoire. Pourquoi avoir par exemple séparé La Danse de Matisse (à l’exposition) de son pendant La Musique restée en Russie ? Pourquoi montrer un Braque à côté de si peu de Picasso, alors même que le premier était, contrairement au second, peu apprécié des deux collectionneurs ? Pourquoi encore n’avoir pas convié au voyage londonien Lilas au soleil de Monet acquis par Chtchoukine et conservé par le musée Pouchkine, première toile « impressionniste » à entrer en Russie à la fin du 19e siècle ?
Et comment expliquer la présence de ce Charles Guérin au milieu de Gauguin, Cézanne, Vuillard, Vallotton, Derain, Renoir... ?
Il résulte des premières salles de l’exposition une enfilade de chefs-d’œuvre, certes tous plus exceptionnels les uns que les autres, mais à la manière d’un best of dont il est malheureusement bien difficile de tirer autre chose que le plaisir des yeux. D’aucuns apprécieront. D’autres regretteront de n’avoir pas profité de cet événement rare pour esquisser le portrait de Chtchoukine et Morozov que tout opposait, exceptées la passion et l’audace.
Démonstration convaincante, mais peu séduisante
Fort heureusement, l’exposition choisit de ne pas se limiter à la simple galerie de chefs-d’œuvre, et de révéler l’influence des collections Chtchoukine et Morozov sur les artistes du cru. Mais voilà, la démonstration, même convaincante, ne séduit pas, ou si peu. À la suite des salles françaises, commence une énumération de toiles d’artistes russes qui ont tous copié l’impressionnisme et le cubisme jusqu’à la caricature. Oui, il y a du Maurice Denis chez Golovin, du Cézanne chez Kuprin, assurément du Matisse chez Mashkov... Mais après ?
Quand, dans son Autoportrait avec Pyotr Konchalovsky (1910), Ilya Mashkov parodie Jeune fille au piano, ouverture de Tannhauser (1869) de Cézanne, toile vue chez Morozov, les deux tableaux sont séparés de plusieurs salles ! Quant aux « fumeurs » de Cézanne, Larionov et Gontcharova n’auraient-ils pas supporté la confrontation formelle ? On peut d’autant plus regretter cet accrochage que la première salle, consacrée au naturalisme, rapproche quelques toiles de Serov et Levitan de leurs « versions originales » françaises : Carolus-Duran, Daubigny, Corot. Et là, la démonstration fonctionne.
Au lieu de cela, on ne peut que constater l’impact des collections Chtchoukine et Morozov sur une génération d’artistes d’avant-garde. Et de croire sur parole que cette histoire a conduit à l’abstraction portée haut par Kandinsky et Malevitch, tous deux accrochés en fin de parcours, sans rien ne dire du primitivisme original de Gontcharova, ni de l’intérêt de Malevitch pour l’art traditionnel de son pays.
Et le visiteur d’égrener dans l’Eurostar qui le ramène à Paris tous les chefs-d’œuvre vus à l’exposition, dont la trilogie des Croix noire, Cercle noir et Carré noir de Malevitch (1923), en rêvant du jour prochain où les musées russes lui proposeront une histoire digne des relations entre nos deux pays, entre 1870 et 1925.
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