ROME (ITALIE) [29.06.16] - Alors que l’économie italienne est en baisse, la 6e édition d’un rapport réalisé par les chambres de commerce italiennes met en exergue la bonne santé du secteur culturel italien. Pourtant, la réalité est plus contrastée, le patrimoine ne pèse que 3,2% de la valeur ajoutée culturelle et l’économie de l’art contemporain est qualifiée « d’amateurisme ».
89,7 milliards de valeur ajoutée, soit 6,1 % de la richesse produite en Italie : lors de la présentation du rapport annuel Io sono Cultura, qui analyse le secteur culturel italien (industries culturelles, industries créatives, patrimoine historique et artistique, arts vivants et arts visuels, activités non culturelles stricto sensu mais caractérisées par d’étroites synergies avec le secteur), Dario Franceschini, ministre des Biens et Activités culturels et du Tourisme, s’est félicité des excellents chiffres.
Le secteur culturel, « qui s’est développé seul, malgré les obstacles » selon ses propres mots, affiche des performances inversement positives à celles de l’économie de l’Italie, en baisse entre 2011 et 2015 : alors que l’économie italienne affiche une croissance négative de -0,1 %, le secteur culturel se vante quant à lui d’un chiffre positif de 0,6 %. Il a même mieux tenu le cap que les secteurs de la finance et des assurances, de la santé, de la construction, et de la métallurgie et de la mécanique.
« Si notre pays sort du tunnel de la crise, il le doit à l’apport essentiel de ce mélange de culture, de beauté et de créativité qui s’exprime dans plus de 400 000 entreprises et, plus particulièrement, des activités du made in Italy caractérisées par de fortes synergies avec le secteur culturel », a souligné Ivan Lo Bello, Président de Unioncamere. La culture est un moteur de l’économie italienne, et a un effet multiplicateur de 1,8 : 1 euro produit par ce secteur génère 1,8 euros dans les autres secteurs, soit plus de 249 milliards d’euros (ou 17 % du PIB). Enfin, elle emploie 1,5 million de personnes, soit plus de 6 % de la population active du pays.
Une réalité en clair-obscur
Cette accumulation de bons chiffres occulte, en fait, une réalité en clair-obscur, et tout d’abord celle d’une Italie de la culture scindée en deux. Comme d’habitude, ce sont le Latium et la Lombardie qui tirent leur épingle du jeu, dopées par les métropoles, Rome et Milan. Dans le peloton de tête suivent le Val d’Aoste et le Piémont. La culture en Italie reste grandement marquée par le fossé Nord-Sud.
Autre curiosité, la ressource essentielle de l’Italie, un patrimoine culturel fort de 49 sites Unesco (41 en France) et de 5 000 sites culturels, musées et aires archéologiques, semble réduit à la portion congrue dans ce succès : il ne représente que 3,2 % de valeur ajoutée sur l’ensemble du système productif culturel et créatif. Dans le palmarès des 10 musées les plus visités au monde en 2015, établi par The Art Newspaper, ne figurent que les musées du Vatican (qui n’appartiennent pas à l’Etat italien), derrière le Louvre, le British Museum ou le Metropolitan Museum. Les chiffres du secteur sont plutôt dopés par le design, qui se taille la part du lion avec une croissance de 10,8 % de valeur ajoutée sur la période 2011-2015.
Ce que l’on perçoit en filigrane de ce rapport, ce sont aussi des difficultés à se moderniser. Le retard dans la communication digitale en est une illustration. Les musées italiens utilisent notamment très peu les réseaux sociaux : seuls 70 % sont sur Facebook et 60 % sur Twitter. Un retard confirmé par le Digital economy and society Index, indicateur de la Commission européenne qui mesure les performances digitales en Europe, qui vient de classer l’Italie à la 25ème place, juste avant la Grèce, la Bulgarie et la Roumanie.
Plus encore, ce qui échappe aux chiffres, c’est le manque d’attractivité dans le domaine de la « créativité » artistique. Dans l’étude Worldcreative d’Ernst & Young de décembre 2015, qui classe les 10 villes les plus propices à la création, en situant Paris à la 3ème place, l’Italie y est absente. Car l’art contemporain fait pâle figure. Massimiliano Tonelli et Marco Enrico Giacomelli, de Artribune évoquent une « hémorragie préoccupante de critiques et de curateurs italiens » qui partent à l’étranger, et un « système peu structuré », encore proche de l’« amateurisme ».
Ce n’est pas un hasard si les récentes tentatives de modernisation se sont notamment inspirées de mesures plus ou moins en vigueur en France depuis de longues années (politiques tarifaires, recrutement des directeurs, développement du mécénat) : la « Révolution culturelle » de l’Italie est probablement en marche, mais pas encore effective.
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Economie de la culture en Italie : un rapport en trompe-l’œil
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Abonnez-vous dès 1 €Les tours de San Gimigniano en Toscane, la ville est entrée au patrimoine mondiale de L'UNESCO en 1990 © Photo Mihael Grmek - 2010 - Licence CC BY-SA 3.0