Jeu De Paume - Une jeune femme est accoudée à une table recouverte d’une nappe dont la couleur met en valeur les fruits et autres douceurs d’un repas que l’on imagine toujours en cours.
Le plan resserré autour d’elle laisse imaginer d’éventuels autres convives. Son regard est tourné vers un interlocuteur à l’extérieur du cadre, dont on devine une main, un profil. S’agit-il de Jeunes Femmes au jardin (1921-1923) de Pierre Bonnard (1867-1947) ou d’une scène du film Hermia & Helena (2017) du cinéaste argentin Matías Piñeiro (1982) ? Des deux. Bien que non fortuite, cette semblance plastique n’est pourtant pas la finalité voulue par ce jeune prodige du cinéma qui puise son inspiration tant dans la peinture que dans la littérature de théâtre, et dont le Jeu de Paume présente la première rétrospective française cinématographique. Matías Piñeiro se réapproprie les signes qu’il capte dans un tableau. Sans le copier, il retranscrit ce qu’il en a perçu, dans un autre langage, celui du cinéma. Alors que les personnages de ses précédents films ont le verbe continu, le mystère des discussions supposées entre les femmes assises autour d’une table dans Après le déjeuner (1920) de Pierre Bonnard insufflera au cinéaste l’idée de silence entre les personnages de Hermia & Helena. Par ailleurs, la sensation de mouvement circulaire qu’il perçoit dans Nymphes et Satyre de William Bouguereau (1825-1905) l’aidera à structurer le scénario de La Princesse de France (2014) dont le personnage d’Ana contemple une reproduction sous forme de carte postale, clin d’œil dont la subtilité évocatrice n’échappera plus au lecteur de ces lignes. « Il ne m’est pas possible de copier servilement la nature, que je suis forcé d’interpréter et de soumettre à l’esprit du tableau », disait Henri Matisse en 1908. C’est à l’esprit du cinéma que Matías Piñeiro soumet, de façon volontairement désacralisée, la puissance inspiratrice de la peinture dont l’émotion esthétique se trouve réinterprétée d’un cadre à l’autre.
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D’un cadre à l’autre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°706 du 1 novembre 2017, avec le titre suivant : D’un cadre à l’autre