Présentée au Salon du Meuble de Paris en 1997, la première collection de Domeau & Pérès attire alors les regards et les lie d’emblée à d’autres designers, Christian Biecher, Andrée Putman ou les frères Bouroullec. Deux talents mis au service de la matière, guidés par une même passion, celle de l’artisanat, et qui donnent à leurs objets un aspect humain et harmonieux.
Qui sont Bruno Domeau et Philippe Pérès ? Qui sont ces deux « agitateurs » dont les noms s’associent aujourd’hui aux têtes de file des designers contemporains, parmi lesquels on compte les frères Bouroullec, Matali Crasset, Christophe Pillet... ? Réponse : écrit en cercle, à l’ancienne, le tampon de leur agence déclare ceci : « tapissier, sellier ». Marque de fabrique revendiquée dans la catégorie des « gens de métier », métier qu’ils ont appris dans la sphère discrète du compagnonnage où ils ont passé plus de sept ans. Bruno Domeau dans la corporation de la sellerie, Philippe Pérès dans celle de la tapisserie. Les deux compagnons vont croiser leur route en 1996, date à laquelle ils décident de réunir leur savoir-faire et leurs compétences. Ils installent leur atelier dans un petit garage à La Garenne Colombes, ville où on les trouve toujours aujourd’hui. Cependant, le décor a changé, les mètres carrés se sont multipliés, même s’ils racontent, amusés, avoir conservé l’emblématique garage. Comme dans toutes les belles histoires, il faut une rencontre. Celle qu’ils vont faire avec Christophe Pillet donnera le coup d’envoi et la tonalité propre à leur activité. En janvier 1997, ils s’offrent leur première vitrine d’éditeur au Salon du Meuble de Paris et présentent leur première collection : trois canapés, une chaise longue et un pouf de Christophe Pillet. Leur travail est remarqué et, très vite, d’autres designers vont prendre le relais en leur proposant de nouveaux projets. Cette même année, ils réalisent pour Christian Biecher le mobilier du Passage de Retz, à Paris. A leur tour, Elodie Descoubes et Laurent Nicolas leur confient la fabrication de la Collection Feutres, qui remporte un franc succès auprès du public. Leur savoir-faire n’échappe ni à Andrée Putman avec qui ils collaborent pour une série de canapés, de fauteuils et de poufs, Les Reinettes, ni aux frères Bouroullec avec lesquels ils conçoivent les canapés Un et Demi et Safe Rest. Le luxe les a naturellement rejoints en la personne de Hedi Slimane, styliste pour la ligne homme de Christian Dior, qui leur demande de revisiter la traditionnelle chaise Louis-Philippe. Le résultat est étonnant et impose sa silhouette entièrement noire entre classicisme et modernité. Mais, polyvalence des corps de métier oblige, à côté de ces rencontres avec les designers, Domeau & Pérès n’en conservent pas moins une activité de fabricants de génie pour la sellerie automobile. Aussi ont-ils récemment réalisé de leur propre chef un intérieur de prestige pour la Mercedes Class A. Manière pour eux de ne pas quitter le façonnage de la matière et de mettre un point d’honneur au label d’artisan. Domeau & Pérès insistent sur le rôle de « fabricant » au sens traditionnel du terme : celui qui fabrique lui-même. Chacun des projets qu’ils choisissent de réaliser s’offre toujours comme un terrain d’expérimentation où doit se révéler la juste combinaison de la matière avec la forme. C’est avec cette passion de l’artisan qu’ils cherchent à comprendre les capacités des matériaux pour mieux remettre en question les moyens et les conditions techniques de la réalisation d’un objet. Ils sont de ceux qui pensent qu’à l’ère où l’on fabrique en grandes série des objets sans âme, une alternative plus humaine existe. « Le travail de la main doit se voir », insistent-ils. Le passage du dessin à un objet exige, comme le précise Bruno Domeau, « une créativité manuelle au service de la création ». Cette formule, qui fait office de manifeste, place les questions pragmatiques de réalisation à l’origine de la réussite de la forme d’un objet. Aussi la fabrication n’est-elle plus considérée comme l’étape de finalisation d’une création mais, à l’inverse du taylorisme ambiant, partie intégrante du processus créatif. C’est sans doute pour cette raison que Domeau & Pérès n’ont pas de résolutions techniques pré-établies et qu’ils sont voués à multiplier les « trouvailles ». Et si aux questions posées sur les méthodes de fabrication, aucune réponse n’est dévoilée, c’est davantage pour jouer sur un hypothétique mystère que par la peur d’être copié. Dans l’ordre des choses, c’est bien évidemment dans leur antre d’inventeurs, l’atelier, qu’il faut prendre la mesure du rapport que Domeau & Pérès entretiennent avec les matériaux qu’ils utilisent. Ici, un choix hétéroclite de cuir, là, un amoncellement bariolé de tissus, le tout se côtoyant sur les étagères dans l’attente d’être manipulé.
Un contact privilégié avec la matière
Quand ils examinent les échantillons d’un tissage de cuir très particulier, plus rien n’arrête leur commentaire passionné sur le mode de confection du produit. En état de curiosité permanente, Domeau & Pérès s’attachent à conserver ce contact privilégié avec la matière. Face aux éditeurs les plus importants, ils ont su imposer leur démarche de proximité et de complémentarité comme une règle d’or. Les rapports qu’ils entretiennent avec les designers s’éloignent du cliché qui distingue le travail du créateur, d’une part, et de celui de l’exécutant d’autre part. Les modalités des collaborations qu’ils établissent mettent l’accent sur les rapports humains et l’osmose des compétences. En évoquant leurs rencontres avec certains designers, c’est l’émotion respectueuse des gens qui ont croisé un jour des personnages importants qui transparaît. Depuis sa première participation au Salon du Meuble de Paris, le duo présente chaque année de nouvelles créations. En se prenant au jeu de l’édition, il possède aujourd’hui à son catalogue une trentaine d’objets qui lui donnent la crédibilité nécessaire pour rejoindre le cercle des éditeurs français. A mi-chemin entre l’artisanat et la petite industrie, Domeau & Pérès se sont créé une spécificité qui les caractérise. Suite logique de l’aventure, ils envisagent d’avoir un show-room parisien pour étendre la diffusion de leurs meubles. En attendant, c’est dans les magasins Le Bihan, Forum, Silvera, Sentou, Colette qu’il faut se rendre pour croiser leurs productions. Il y a de toute évidence un style Domeau & Pérès. Concernant les objets, même si chaque création a sa singularité, chacune impose ses formes comme des évidences. Il existe une harmonie parfaite entre le dessin de l’objet et les matériaux choisis, entre la qualité des matériaux et l’exigence technique de la réalisation. Cet amour du travail « bien fait » est un défi majeur commun à l’ensemble de leurs projets. Aussi, le principe de valorisation de leurs produits se fait-il davantage sur l’image que sur le chiffre. Et si le design français a su se créer ses « stars » et que l’on oublie souvent ceux qui en façonnent les strass, la signature de Domeau & Pérès est loin d’être sans éclat.
Pour connaître les magasins qui diffusent les meubles édités par Domeau & Pérès, à Paris, en province ou à l’étranger, le mieux est de les contacter directement ou de consulter leur site internet. Domeau & Pérès SARL, BP 68, 92 254 La Garenne-Colombes, tél. 01 47 60 93 86, fax 01 47 60 01 22. E-mail : info@domeauperes.com ou www.domeauperes.com
Ajoutons que Philippe Pérès et Bruno Domeau sont issus d’un type de formation identique (Philippe Pérès est compagnon dans le domaine de la tapisserie) qui privilégie le goût des pièces uniques hérité de la tradition du chef-d’œuvre, des prototypes, une vision qu’ils ont donc adaptée à leur volonté de travailler avec des créateurs contemporains, qu’il s’agisse de Christophe Pillet, Matali Crasset ou Andrée Putman, pour sa ligne de « Rainettes ».
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Domeau & Pérès, agitateurs de matériaux souples
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°535 du 1 avril 2002, avec le titre suivant : Domeau & Pérès,agitateurs de matériaux souples