Des céramiques opposent Ankara au Musée du Louvre

Par Anouk Rijpma · lejournaldesarts.fr

Le 6 novembre 2012 - 528 mots

PARIS [06.11.12] – Les autorités turques réclament la « restitution » de trois tympans du mur de céramique ottomane du département des Arts de l’Islam (Louvre). Ce dernier fait valoir à l’inverse, l’entrée légale de ces pièces dans ses collections par achat à la fin du XIXe siècle.

« Elles sont toutes à nous ! », clamait le quotidien libéral turc Radikal, le 27 octobre dernier, révélant le litige qui oppose les autorités turques au Musée du Louvre. En cause : trois panneaux de faïence d’Iznik signés Sinan (architecte ottoman) du mur de céramique ottomane du nouveau département des Arts de l’Islam, dont Ankara revendique l’appartenance. Pour légitimer sa demande de restitution, elle s’est appuyée sur l’analyse de photos du mur prises à la sauvette par des émissaires de son ministère de la Culture, analyses qui attesteraient du vol de ces céramiques à la mosquée de Piyale Pasha à Istanbul achevée en 1573.

Estimant à huit le nombre total de faïences dérobées dans cette même mosquée, le ministre turc de la Culture Ertugrul Gunay n’en est pas à sa première réclamation. Il avait déjà fait feu de tout bois auprès de musées américains et européens, concernant cinq de ces céramiques, ajoutées aux trois tympans restants réclamés aujourd’hui. En toile de fond de ses revendications à répétition : des milliers d’œuvres turques exposées à l’étranger qui auraient été pillées ou dérobées. Parmi elles, le trésor de Troie, désormais dispersé entre le Musée Pouchkine de Moscou et 24 de ses pièces récemment restituées par un musée américain, ainsi que l’autel du Pergame exposé au Musée d’Etat de Berlin.

Les procédés employés par Ankara, le recours au chantage, sont jugés quelque peu abusifs. Entre autres actions récentes : en 2011, les autorités turques avaient menacé d’interdire l’accès aux fouilles du site d’Hattuhsa, à l’Institut allemand d’archéologie, sous peine de se voir refuser la restitution du Sphinx éponyme.

Si le Louvre indique n’avoir reçu « aucune demande officielle des autorités turques » à ce propos, l’institution défend par ailleurs le caractère légal de l’entrée de ces faïences dans ses collections entre 1871 et 1940, « par don ou achat ». Ajouté à cela : quelques études scientifiques publiées dans le catalogue officiel du musée parisien, contrariant l’idée selon laquelle ces faïences proviendraient de la mosquée Piyale Pasha.

Le musée parisien fait valoir son « respect des législations en vigueur », rééditant une position déjà arrêtée précédemment par les autorités françaises, après que l’ambassade turque ait interpellé Paris il y a quelques années, sur « des panneaux de céramiques analogues » provenant des tombeaux du sultan Selim II, Murat III et de la bibliothèque de Mahmut Ier. Au regard de la convention de Genève du 14 novembre 1970 contre le trafic illicite d’œuvres d’art - affirmant la « non-rétroactivité des opérations antérieures à cette date » - la France avait alors déclaré que « les œuvres en question ne pouvaient en aucune façon faire l’objet d’une procédure de restitution ».

Pour régler l’actuel litige, le Louvre suggère le « développement de coopérations scientifiques tournées vers l’avenir » avec les autorités turques, « tenant pleinement compte des sensibilités des deux parties ». (Avec AFP)

Légende photo

Tympan( v.1275-1300) - Mosaïque de céramique - Département des arts de l'Islam, Musée du Louvre, Paris - © Photo Gaël Chardon - 2005 - Licence CC BY-SA 2.0

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