À la Base sous-marine de Bordeaux, Georges Rousse présente pour la première fois aussi largement en France son travail photographique. S’y ajoutent trois créations réalisées «Â in situ ».
BORDEAUX - Bâtisse d’exception, la base sous-marine de Bordeaux située dans le quartier du bassin à flot affiche des dimensions pharaoniques : 235 mètres de longueur, 160 m de largeur et 19 m de hauteur pour une superficie totale de 42 000 m2. Avec sa toiture épaisse de sept mètres, la base avait nécessité pour son édification de 1941 à 1943 pas moins de 600 000 m3 de béton. Le long de sa façade ouverte sur l’eau, le bunker présente à la cité bordelaise un alignement de onze percées dans le béton, lesquelles constituent autant d’alcôves qui abritaient les sous-marins allemands et italiens durant la Seconde Guerre mondiale. Abandonnée, la base renaît en 2001 sous la forme d’un centre culturel accueillant des spectacles et des expositions temporaires.
La rencontre entre Georges Rousse et ce site exceptionnel n’est pas le fruit du hasard. Bien qu’exposé dès 1983 au CAPC-Musée d’art contemporain de Bordeaux, l’artiste ne découvre l’édifice qu’une dizaine d’années plus tard et se montre alors particulièrement sensible à cette « cathédrale de béton ». Cette dernière est une mémoire de ce qui l’a mené sur le chemin de l’art : enfant, armé de son appareil Brownie Flash de Kodak, il photographiait déjà des vestiges de la guerre et des ruines, celles par exemple de l’Allemagne en reconstruction où, fils de militaire, il a grandi.
Résonance avec le lieu
De son côté, Danièle Martinez, directrice de l’équipement culturel, souhaitait depuis longtemps une lecture particulière de la base sous-marine par un artiste, « non pas pour en faire le portrait ou en comprendre son devenir, son passé, précise-t-elle, mais avant tout pour s’approprier l’espace le temps d’une intervention. Toutes les œuvres n’y fonctionnent pas, il faut qu’elles puissent entrer en résonance avec ce lieu sans y être écrasées ».
Avec Georges Rousse, le résultat est de l’ordre de l’évidence. Les soixante photographies grand format s’enchaînent le long d’un dédale de mystérieuses galeries contenues dans l’épaisseur du béton et l’éclairage, parfaitement réalisé, semble irradier des images.
Du Pérou au Japon en passant par la Slovaquie, le plasticien introduit par la peinture des compositions géométriques planes et flottant dans l’espace de bâtiments voués la plupart du temps à des démolitions selon lui souvent absurdes : « J’interviens dans des tas d’endroits abandonnés mais pourtant utilisables, or nous manquons cruellement d’espaces bâtis ! » À Bordeaux, si la base sous-marine est indestructible, la question de son devenir se pose néanmoins pour ce lieu apprécié de tous les publics mais dont les conditions de fonctionnement sont exigeantes et contraignantes.
Bien que la photographie soit la finalité des peintures de Georges Rousse, l’événement est accompagné de trois œuvres réalisées in situ, de leurs croquis préparatoires et d’un documentaire en montrant la fabrication. La technique de l’anamorphose, récurrente dans son travail et visant à obtenir dans ses images le passage de la réalité en trois dimensions à l’illusion en deux dimensions, est une étape laborieuse et inscrite dans le temps. L’artiste souhaite aujourd’hui montrer cette fabrique en réaction à un monde submergé par l’immédiateté et les illusions faciles, rendues possibles par les logiciels de traitement et création d’images. Ainsi ce vertigineux cercle rouge tracé dans la salle des plots, créant l’illusion d’englober l’espace dans une maîtrise totale de la perspective. Un point de vue unique permet de percevoir la perfection du volume et indique la place d’où Georges Rousse prend sa photographie, faisant disparaître l’anamorphose. Un pas de côté et le cercle se distord. « N’est-ce pas le projet de l’artiste que de montrer le réel de façon imprévue ? », explique l’artiste pour lequel « l’espace est soif de connaissance ».
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Vertige de l’anamorphose
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 14 décembre, Base sous-marine, boulevard Alfred-Daney, 33000 Bordeaux, tél. 05 56 11 11 50, tlj sauf dimanche et jf 13h30-19h.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°423 du 14 novembre 2014, avec le titre suivant : Vertige de l’anamorphose