Les galeries du Marais et du 13e proposent
un parcours qui réserve de nombreuses surprises.
PARIS - La réouverture des galeries parisiennes révèle nombre de surprises et étonne cette année par la diversité et la qualité de beaucoup de propositions, avec une vigueur d’ensemble qu’on n’avait pas vue depuis longtemps. Une énergie qui met aussi en lumière la poursuite d’un déplacement dans la figuration des questionnements sociaux.
Toujours fort courue et attendue après la pause estivale, la rentrée des galeries s’est pour l’essentiel effectuée le 10 septembre (dans le Marais et le quartier de la rue Louise-Weiss, avant celle de Saint-Germain prévue le 15). Elle a cette année plutôt belle allure, avec une majorité de solo shows donnant l’impression que Paris semble vouloir insuffler une énergie plus marquée, dont le futur nous dira si elle est suivie par les courbes du marché.
L’exposition de groupe la plus notable est celle de Chantal Crousel, qui change d’espace et fête ses 25 ans de carrière en rassemblant beaucoup d’artistes dont elle a organisé la première exposition en France, tels Mona Hatoum, Cindy Sherman, Wolfgang Laib ou les toujours justes Jennifer Allora & Guillermo Calzadilla.
Quelques têtes d’affiche attendues dépassent çà ou là : Matt Mullican déploie chez Nelson toutes les facettes de son talent dans un accrochage ambitieux où les médias se mêlent pour donner corps à ses questionnements de toujours sur les langages et la représentation symbolique, l’inconscient et son rôle dans la formalisation du réel. Chez Yvon Lambert, Christian Marclay enchante avec une installation vidéo produite à partir de la considérable collection d’objets Fluxus du Walker Art Center de Minneapolis, dont il révèle le potentiel sonore (Shake Rattle and Roll (Flumix)). Moins « blockbuster » mais néanmoins pertinent, ne pas manquer dans la deuxième séquence de l’exposition « Petites compositions entre amis », chez gb agency, le poétique et touchant film de Deimantas Narkevicius fondé sur des entretiens du cinéaste hors normes Peter Watkins (The Role of a Lifetime, 2003).
Dans le registre des recherches plastiques plutôt formelles, on est frappé par la somptueuse exposition de tirages noir & blanc du photographe britannique Bill Brandt (1904-1983) chez Karsten Greve. On constate ici à quel point ses recherches d’après guerre sur le nu et les volumes ont influencé tout un pan de la photo de mode contemporaine. On ira voir également la peinture rafraîchissante d’Amy Vogel chez Air de Paris, l’accrochage très abouti de Mark Handforth chez Almine Rech et les mobiles délicats et aériens de Lionel Estève chez Emmanuel Perrotin.
Ailleurs, d’autres expositions martèlent des interrogations plus politico-sociales, comme Judy Fox qui présente chez Thaddaeus Ropac une étonnante installation : quatre figures de jeunes garçons, d’ethnies différentes, aux attitudes si réalistes et décidées qu’elles perturbent quant à leurs possibles intentions. Chez Baumet-Sultana, Dino Dinco sublime, dans des clichés effectués à la chambre, un parc de rencontres homosexuelles de Los Angeles vidé de ses visiteurs. Interpellent également les œuvres du sculpteur indien Subodh Gupta vues à la galerie In Situ-Fabienne Leclerc, l’installation du jeune Baptiste Debombourg à l’Atelier Cardenas Bellanger, les clichés de Barbara Ess chez Frédéric Giroux et le film de Rosalind Nashashibi chez Michel Rein.
Revendication souple
À l’exception notable des messages politiquement forts de Sam Durant sur ses dessins et miroirs (Praz-Delavallade) ou du film de Narkevicius, on relève que beaucoup de propositions visibles ici et aujourd’hui triturent la réalité politique et sociale sans trop faire de vagues, à l’image des peintures sensibles et délicates d’Adam Adach (Jean Brolly). Ces dernières figurent des situations banales (intimité du couple, adolescents assis sur un banc…) avec une technique aboutie. Même la férocité traditionnelle de Roman Signer semble marquer un peu le pas dans ses nouvelles installations présentées par Art : Concept. Loin d’être mauvaises, elles appuient moins fort qu’à l’accoutumée là où ça fait mal. Paris refléterait-elle à merveille le fait que la contestation radicale n’est plus du tout à la mode et qu’émergent à l’inverse des formes de revendication pertinentes mais plus souples et débarrassées d’un documentarisme normatif et souvent moralisateur ? À moins que l’on assiste plus froidement à l’avènement d’une représentation lucide du triomphe de l’individualisme et du nouveau désabusement d’un monde qu’on sent aujourd’hui plus enclin à subir qu’à agir ?
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Une rentrée réjouissante
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°221 du 23 septembre 2005, avec le titre suivant : Une rentrée réjouissante