Un musée ambulant dans les hôpitaux

Quand l’exposition « La mer imaginaire », à l’affiche de la Villa Carmignac, est parvenue à son terme en 2021, toute l’équipe a regretté qu’elle s’achève déjà. Charles Carmignac, le directeur de la fondation, a alors eu l’idée de la faire voyager dans une valise, ou plutôt un coffre en bois, afin qu’elle aille à la rencontre de publics empêchés. « De mon passé de musicien en tournée avec le groupe Moriarty, j’ai conservé le souvenir des concerts joués en milieu carcéral ou hospitalier. Ce sont des moments forts, qui m’ont marqué », explique-t-il. L’idée d’un musée portatif n’est pas nouvelle : Marcel Duchamp la formalisa malicieusement avec sa Boîte-en-valise (1936-1941) contenant l’ensemble de ses œuvres en format réduit. Plus récemment, on peut mettre au crédit de Xavier Franceschi le sac à dos de Flash Collection, qui permet au Frac Île-de-France de diffuser dans les lycées de la région. C’est la première fois en revanche qu’un dispositif est pensé selon un cahier des charges spécifique pour circuler dans les couloirs d’hôpitaux. Le Groupe hospitalier universitaire psychiatrie & neurosciences de Paris, associé au projet, l’utilise depuis quelques semaines. Avec ses œuvres originales (Bianca Bondi, Julien Discrit, etc.), ses éditions de photos (Dora Maar, Jochen Lempert, etc.), ses films (Shimabuku), ses mécanismes et sa bande-son subaquatique (Michel Redolfi), c’est un petit théâtre sensible que découvrent les patients. L’artiste David Horvitz, dont le travail est très lié à la notion de multiple, a créé quelques centaines de larmes de mer en verre, que le public peut garder en cadeau. Le véritable bonus thérapeutique reste cependant aussi intangible que précieux. « Les soignants observent que le musée-valise crée des échanges, du lien », rapporte Charles Carmignac. Une mer imaginaire qui fait des vagues en douceur, donc, et qu’il voudrait reproduire en plusieurs exemplaires, s’il trouve des partenaires pour en développer le concept.