Array Collective, un groupe de onze membres basé en Irlande du Nord, s’exprime à travers des manifestations joyeuses et politiques. Est-ce de l’art ? Le débat est relancé.
Coventry. Le Turner Prize 2021 est donc revenu à un collectif, Array Collective, ce qui ne constitue pas une surprise dans la mesure où chacun des finalistes était cette année un groupe de plusieurs membres : B.O.S.S. pour Black Obsidian Sound System, Cooking Sections, Gentle/Radical et Project Art Works. Le jury du Turner affirme avoir fait cette sélection en lien avec la période de crise sanitaire, qui n’a pas permis aux artistes individuels d’exposer dans les institutions mais a donné tout son sens à l’engagement social de ces rassemblements artistiques restés très dynamiques pendant la pandémie. Le dernier artiste à s’être vu décerner le prix à titre individuel est l’Écossaise Charlotte Prodger en 2018. En 2019, le Turner avait récompensé le collectif Assemble et, en 2020, le prix avait été exceptionnellement remplacé par une aide financière de 10 000 livres sterling (11 000 €) distribuée à une dizaine d’artistes.
The Druithaib’s Ball (2021), l’œuvre d’Array Collective exposée jusqu’au 12 janvier à l’Herbert Art Gallery and Museum à Coventry (Angleterre), est une installation représentant le décor d’un pub clandestin au plafond tendu de bannières et banderoles, installation de nature à s’animer avec le public et qualifiée par un tweet de la Tate d’« accueillante, immersive et surprenante ». Le groupe lauréat, basé à Belfast (Irlande du Nord), compte onze membres. Il a pour mode d’expression l’activisme politique sous la forme de manifestations joyeuses ; le collectif est notamment engagé pour la défense de l’avortement, l’accès aux soins pour les malades du virus HIV et pour les personnes trans, la reconnaissance des droits de la communauté LGBTQ, et pour une éducation inclusive non genrée. Autant de causes pour lesquelles il est toujours nécessaire de se mobiliser dans la province britannique de l’Ulster, et que les membres d’Array soutiennent lors d’interventions où ils apparaissent déguisés et brandissant des slogans.
Sur son compte Instagram, le collectif a publié un communiqué dans lequel il se félicite du coup de projecteur apporté par le Turner à la scène d’Irlande du Nord. C’est en effet la première fois qu’un candidat nord-irlandais est lauréat du prix créé en 1984. « Nous sommes tellement fiers de la vie professionnelle et familiale à Belfast malgré des conditions sociales difficiles ; notre pub clandestin est un hommage et un lieu de repos pour nos amis bouffons et agitateurs, que nous saluons ! »
25 000 livres (29 000 €) sont attribuées au gagnant, 5 000 livres (5 800 €) à chacun des autres finalistes. À l’heure où la foire Art Basel Miami Beach battait son plein, le fait de distinguer un collectif activiste dont la production se tient à l’écart du marché n’est pas anodin. La question corollaire, « est-ce de l’art ? », n’a pas manqué d’agiter la critique, quand bien même la sincérité des lauréats ne saurait être mise en question. Le geste politique consistant à défendre un art non mercantile a-t-il une portée esthétique ? Alex Farquharson, directeur de la Tate Britain et président du Turner Prize, a souligné, outre le sérieux de l’engagement du groupe de Belfast dans un contexte social divisé, « la surprenante légèreté et la dimension ludique de son travail, sa convivialité, son sens de l’hospitalité – son côté carnaval ».
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Un collectif activiste remporte le Turner Prize 2021
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°579 du 10 décembre 2021, avec le titre suivant : Un collectif activiste remporte le Turner Prize 2021