Pour sa première exposition en France, l’artiste allemand Björn Dahlem déploie son univers de fictions scientifiques.
MARSEILLE - « Szenarium », « harm », « distance », « quantic », « crisium », « virgo »… À des degrés divers, les mots composant la structure édifiée par Björn Dahlem à l’entrée des salles d’exposition du Fonds régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, à Marseille, se réfèrent tous à un imaginaire scientifique plus ou moins vulgarisé. La grammaire, taillée dans le polystyrène et déployée dans l’espace à la manière d’une modélisation informatique, dessine un étrange paysage virtuel, bricolé en dur avec du bois et des néons en lieu et place de vecteurs. Baptisée Les Attracteurs étranges par l’artiste, la construction est une curieuse cabane épistémologique rendue habitable par une banquette aménagée dans un coin. Au centre de la théorie du chaos, développée dans les années 1960 à partir des recherches effectuées par Edward Lorenz sur les phénomènes météorologiques, la figure que désigne ce titre représente l’ensemble des trajectoires d’un système en proie à un mouvement chaotique. Ici, il sied à merveille aux envolées spéculatives de l’artiste allemand, invité à Marseille pour sa première exposition en France.
Pour envisager le travail de Björn Dahlem (né en 1968), le chef-d’œuvre de Kubrick 2001 : l’Odyssée de l’espace (réalisé la même année) pourrait par son sujet et son lyrisme faire office de récit fondateur. Mais le mythe s’est amplifié à mesure que se sont agglomérées des sommes d’informations et de fantasmes glanés dans la culture populaire, la littérature d’anticipation et les revues scientifiques. « Je puise dans tout ce qui a trait aux théories de l’astrophysique et de l’astronomie, explique Dahlem, mais je traduis ces théories scientifiques à la manière d’un artiste, les essayant dans ma vie de tous les jours et tentant de les comprendre en référence à moi-même. Cette attitude est bien sûr hautement non scientifique et imparfaite. Je suis intéressé par le flou, l’instable, le diffus, le confus, le comique, l’absurde, le subjectif… (1) » Également présentée, la vaste installation d’À la recherche de la M-Theorie (Melancolia Ciao) prend pour prétexte la « M-théorie », une hypothèse mathématique qui permet de rêver l’univers, au-delà de la perception usuelle de l’espace-temps, en prenant en compte les interactions fondamentales entre gravitation, électromagnétisme, interaction nucléaire. Chez Dahlem, cette fiction expérimentale donne corps à un paysage de nébuleuses bancales et de trous noirs rafistolés. Une galaxie onirique mais de guingois, où se rejoue la mélancolie de Dürer par l’intermédiaire d’un polyèdre de fortune accroché à l’arrière d’une mobylette, sorte de dérisoire embarcation spatio-temporelle.
(1) cité par Harald Uhr dans le catalogue de l’exposition « Szenarien oder der Hang zum Theater », présentée en 2001 au Bonner Kunstverein et à la Stadthaus d’Ulm, en Allemagne.
Jusqu’au 2 octobre, Fonds régional d’art contemporain de Provence-Alpes-Côte d’Azur, 1, place Francis-Chirat, 13002 Marseille, tél. 04 91 91 27 55, tlj sauf mardi, 10h-12h30, 14h-18h.
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Trous noirs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°198 du 10 septembre 2004, avec le titre suivant : Trous noirs