Du premier automate au XVIIIe siècle à l’assistant en chirurgie aujourd’hui, le robot a envahi le Musée des arts et métiers dans une scénographie un tantinet trop didactique.
PARIS - Jacques Prévert avait, jadis, trouvé le bon mot pour évoquer l’androïde et les améliorations éventuelles qu’il pouvait apporter : « Le progrès : trop robot pour être vrai. » À voir cette exposition intitulée « Et l’Homme créa… le robot », déployée au Musée des arts et métiers, à Paris, on se dit que le poète aurait été bien étonné de découvrir la palette des possibilités proposées aujourd’hui par ces engins pensés, conçus et, pour l’heure, « pilotés » par l’homme. Sans doute la vision d’armées de robots anthropomorphes prêts à envahir la planète a-t-elle engendré une certaine méfiance, voire de la crainte envers ces étranges machines animées. Or, s’il est un lieu où le robot s’est immiscé en douceur, c’est, logiquement, le quotidien des humains. Téléphone, ordinateur, aspirateur, machine à café ou à laver, pompe à essence, bras articulé ou chaîne de montage automobile, les domaines qui font appel à la robotique sont assurément légion. Cette présentation en fournit un état des lieux exhaustif.
Le parcours débute par un volet historique et des objets présentés comme les prémices de la robotique, autrement dit : les premiers automates. Ces machines, héritières pour la plupart des mécanismes d’horlogerie – on peut voir ainsi une étonnante Horloge à balancier circulaire de 1750, conçue par l’inventeur suisse Pierre Joseph de Rivaz – reproduisent l’apparence et les mouvements d’êtres vivants. Et ce, grâce à des dispositifs techniques plus ou moins sophistiqués : mécaniques, pneumatiques, hydrauliques, électriques, électroniques… Ainsi en est-il pour ce Gymnaste à pédales et ficelles datant de la fin du XVIIIe siècle, actionnable manuellement grâce à sept pédales lui permettant d’effectuer une multitude de figures. Contrairement au robot, qui peut apprendre, interpréter, et même s’adapter, l’automate, lui, ne fait que reproduire sans fin.
Robotique ludique
Le mot « robot » est issu du vocable tchèque « robota », qui signifie « travail », voire « travail forcé », « corvée ». Imaginé, en 1920, par l’écrivain tchèque Karel Capek dans une pièce de théâtre d’anticipation intitulée « Rossumovi univerzalni roboti » ou « R.U.R. » (« Les Robots universels de Rossum »), il y désignait des « ouvriers artificiels », en l’occurrence des automates fabriqués par la firme R.U.R. C’est précisément ce que la suite de l’exposition va s’attacher à montrer : une gamme étendue d’« ouvriers artificiels » introduits par l’Homme dans son quotidien pour le seconder, depuis les tâches domestiques jusqu’aux processus de production industriels. Ainsi, conçu par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), Sherpa est un robot marcheur hexapode fabriqué pour intervenir en milieu radioactif à la suite d’un incident ou d’un accident nucléaire. Hercule, lui, s’exhibe en exosquelette destiné à porter des charges sur les champs de bataille, décuplant la force de son utilisateur. Tandis que Jack, mis au point par la firme toulonnaise Ciscrea pour l’observation et l’inspection sous-marine, peut descendre jusqu’à 100 mètres de profondeur.
Sous l’insolite cartel « Usables et corvéables à merci », on découvre Varape, prototype de robot nettoyeur également développé par le CEA pour « décrasser » la… pyramide du Louvre. Cet engin est capable d’escalader les parois de verre grâce à un système de chenilles montées sur ventouses, mais son habileté n’a, semble-t-il, pas séduit le Musée du Louvre, lequel a opté pour un autre système. Côté domestique, le visiteur trouve des spécimens conçus aussi bien pour être secondé dans les tâches ménagères, tel le nouvel aspirateur-robot Navibot (Samsung) rond comme une ammonite, que pour s’amuser, comme le fameux robot-chien de compagnie Aïbo (Sony), lequel, à la fin des années 1990, lança la robotique ludique. Au rayon médecine enfin, les pistes se révèlent ahurissantes : si, aujourd’hui, des microrobots permettent au chirurgien de télé-opérer à l’intérieur du corps humain, ceux-ci prendront, demain, la taille d’une gélule, seront ingérés par le patient et, en véritables laboratoires ambulants, pourront réaliser une biopsie de manière autonome.
Aussi fascinant soit-il, chacun de ces objets reste bien sagement rangé dans sa « vitrine » respective. La scénographie – qui, au passage, confond robotique et science-fiction en déployant un intérieur de vaisseau spatial lardé de lumière fluorescente bleue – enfonce le clou, séparant bien chaque catégorie dans une salle étanche. Là est la limite de l’exercice. À vouloir être très pédagogique, la présentation oublie de développer un propos. Dommage !
Jusqu’au 3 mars, Musée des arts et métiers, 60, rue Réaumur, 75003 Paris, tél. 01 53 01 82 00, tlj sauf lundi 10h-18h, le jeudi jusqu’à 21h30.
Voir la fiche de l'exposition : Et l'Homme créa... le robot
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Trop robots pour être vrais
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Abonnez-vous dès 1 €Commissaire de l’exposition : Girolamo Ramunni, historien des sciences, professeur d’histoire des sciences et des techniques au Conservatoire national des arts et métiers
Scénographie : Massimo Quendolo, architecte ; Léa Saito, plasticienne
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°383 du 18 janvier 2013, avec le titre suivant : Trop robots pour être vrais